Par le Père Emmanuel Foro, SJ

Bonne fête aux prêtres dont le ministère d’offrir le sacrifice du christ fut institué en ce jour! Bonne fête à nous tous dont le Sacrement de la Communion est institué en ce jour!

Jeudi Saint, 18 avril 2019 (Messe de la Sainte Cène) Première Lecture (Ex 12, 1-8.11-14) ; Psaume (115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18) [R/ La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ]; Deuxième lecture » (1 Co 11, 23-26) « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur; Evangile (Jean 13, 1 – 15)

 Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : «C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds?» Jésus lui répondit: «Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras.» Pierre lui dit : «Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais! »Jésus lui répondit: «Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi.» Simon-Pierre lui dit : «Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!» Jésus lui dit: « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous.» Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : «Vous n’êtes pas tous purs.» Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit: «Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Commentaire bref

Nous entrons aujourd’hui dans le Triduum Pascal. Ainsi la Messe de l’Institution de l’Eucharistie et du mandat de « nous laver les pieds les uns aux autres » qui commence ce soir à la tombée de la nuit, ne s’achèvera qu’avec la bénédiction finale de la nuit de Pâques. C’est une ancienne tradition qui était solennellement (avec réalisme) vécue à Jérusalem pour commémorer le mystère de notre salut : la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. Vivre loin de cette réalité historique serait perdre de vue la destination finale de notre marche dans ce monde. L’histoire vraie qui nous est contée commence en Egypte d’où Israël sort une nuit, la fameuse nuit de la délivrance incompréhensible à l’intelligence humaine. La Pâque renvoie littéralement à ce passage d’une terre de servitude à un début de liberté qui passera par de colossaux défis, insurmontables : la traversée de la Mer Rouge (représentant l’inconnu potentiellement engloutissant de cette nouvelle aventure), la poursuite de l’armée égyptienne (représentant nos anciennes servitudes menaçant mais aussi secrètement désirées en continuité), la traversée du désert (représentant la rigueur de la formation lente d’une communauté politique dans le contexte de la rareté des ressources et des intempéries de toutes formes), la bataille contre les peuples hostiles (représentant les nouvelles servitudes qui se proposeront, la menace des cultures et modes de vie contradictoires, et la violence du monde en général), l’occupation juste de la terre promise enfin conquise (représentant les défis de maintenir et développer les acquis y compris le progrès moral et religieux contre l’égoïsme et dans la gratitude). Traversant tous les autres défis se tient le défi permanent de ‘connaître la route qui mène au succès véritable selon Dieu’. Dieu a établi les éléments naturels et envoyé des leaders pour interpréter sa volonté pour son peuple. Au sommet de sa Révélation, Dieu établit Jésus comme l’accomplissement personnifié de tout son enseignement aux humains. Prenant de sa tradition culturelle et religieuse inspirée par Dieu, Jésus anticipe et créé une nouvelle Pâque pour les enfants de Dieu : entrer dans la navette Jésus pour le trajet dans ce monde et atteindre l’état final dans l’autre. Jésus est Chemin d’intériorité et d’esprit dont l’expression morale est l’hospitalité. Le secret du chemin de Jésus est de laver les pieds de mes frères et sœurs. Toute interprétation culturelle pourrait aider à approfondir ce geste humble et miséricordieux d’intimité. Que signifie ‘laver les pieds de quelqu’un ‘ dans ma culture ? Nous traverserons les défis colossaux de notre siècle au moyen de l’amour fraternel que bon nombre de réalités sociales tendent à éclipser ou rendre ridicule. La fête de l’amour (l’Eucharistie) se prépare et se continue dans ce geste intérieur et extérieur de respect révérenciel pour l’autre. Demandons la grâce de la croissance de cet esprit dans notre monde, en commençant par moi-même.

Méditation [(1. Mise en présence de Dieu, 2 ; Prière préparatoire, 3. Composition du lieu, 4. Grâce à demander, 5. Parcourir le texte pas à pas), conclure par un colloque, dire le Notre Père et prendre un temps pour faire une relecture de l’expérience de prière].

Grâce à demander : Seigneur Dieu, fais grandir en moi respect, révérence et tendresse pour les autres dans la prudence et le force de ton Esprit vivant en Jésus qui donne sa vie pour moi.

Premier point (Versets 1 – 5) : Comprendre le geste de Jésus dans son contexte de dernier moment sur cette terre orchestré par une violente injustice et une trahison par un ami intime – toute chose qui confirme la victoire de l’adversaire juré, ici, le diable. J’observerai comment Jésus lave les pieds de Judas aussi bien que ceux des autres disciples. Il lave les pieds de celui que je méprise, de celui qui me méprise, du traitre et du bandit. Il désire le salut pour tous! Puis-je accepter cela ? Quel passage (Pâque) accomplit le Seigneur dans ce geste pour moi ? Entrer avec grand réalisme dans ce cadre général du geste d’amour de Jésus : il entre dans sa passion mortelle très bientôt ; il a toujours le temps d’aimer…

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.

Deuxième point (Versets 6 -11) : Vivre personnellement le lavement des pieds par Jésus et faire grand silence pour laisser son Esprit me révéler la signification intime de ce geste sur moi. Qu’est-ce que je peux bien ressentir quand Jésus, abaissé, lave tendrement mes pieds et les essuie avec une serviette ? Ce rituel exprime le sens de sa venue dans le monde et explique le choix de sa méthode d’apporter le salut : la voie humble et tendre, la voie du service discret – pardonnant. C’est un rituel récapitulatif. Je peux peut-être mieux comprendre à présent pourquoi il demande (en Mathieu 5) de laisser d’abord son offrande devant l’autel pour se réconcilier avec mon frère qui n’a pas une communion parfaite avec moi – ce qui réduit ma capacité à voir Dieu. La communion rituelle est préparée ainsi par le respect et l’accueil de tous mes frères et sœurs, avec sincérité. Ni le bain normal, ni l’invitation de Jésus ne suffit en soi pour purifier une personne : il nous faut encore accepter. Suivre Jésus c’est l’aimer et s’ouvrir à lui.

Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : «C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds?» Jésus lui répondit: «Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras.» Pierre lui dit : «Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais! »Jésus lui répondit: «Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi.» Simon-Pierre lui dit : «Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!» Jésus lui dit: « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous.» Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : «Vous n’êtes pas tous purs.»

Troisième point (Versets 12 – 15) : Laisser l’exigence morale de ce que j’ai vécu s’éclairer et prendre corps pour moi. La vraie pureté s’accomplit lorsque je peux humblement reconnaître, respecter, accueillir, aimer et protéger l’autre qui ne le mérite pas ou qui ne s’en sent pas digne, ou qui n’y comprend rien. Beaucoup furent choqués de voir le Pape François s’abaisser devant des leaders politiques Soudanais du Sud à la sincérité douteuse la semaine dernière… Il n’est pas aisé de s’abaisser devant l’autre. Si Saint Jean insiste sur la connaissance que Jésus avait déjà de la domination de l’idée diabolique sur Judas son ‘ami’, c’est pour nous dire que ce geste d’abaissement n’est pas facile à poser – quand on sait ce dont l’autre a été, est, et sera capable. S’il met Pierre en scène de cette manière, c’est dire que l’accueil de mon geste par l’autre n’est pas garanti. Pourrai-je continuer à reproduire ce geste difficile qui est l’équivalent complémentaire du rituel eucharistique ? Nous voulons tous être admis à l’Eucharistie, voulons-nous aussi laver les pieds des autres avec claire connaissance de l’éventuelle futilité de cet effort? Pourrai-je voir Jésus dans les pieds poussiéreux ou trempés de sang de mon prochain ? Le sang de l’agneau pur me donnera-t-il le courage de dépasser l’adversité, la haine, le mépris, et la trahison pour continuer à donner le meilleur de moi-même pour le bien-être des humains ?

Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit: «Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Parler à Jésus avec qui je passerai un moment ce soir pour lui tenir compagnie comme il l’a suggéré à ses premiers amis en ce moment très émotionnel de son parcours terrestre. Puis, conclure comme d’habitude (Notre Père, et relecture).

Père Emmanuel Foro, SJ

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