
Norbert KABUKAPUA, SJ, nous introduit à la Méditation avec les Lectures du Jeudi Saint (Année C) : Exode 12, 1-8.11-14 ; Psaume 115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Jean 13, 1-15
Comment puis-je célébrer le Jeudi Saint ?
La célébration du Jeudi Saint est un mélange de joie et de mélancolie. D’une part, nous célébrons l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ministériel par notre Seigneur. D’autre part, nous compatissons avec Jésus devant son heure imminente qui arrive, au moment où il entre dans sa passion pour s’offrir en sacrifice douloureux, mais salvifique pour notre rédemption. C’est ainsi que dès l’antienne d’ouverture de la messe, la liturgie anticipe le langage de la croix comme destin non seulement subi, mais accepté par Jésus. L’heure du fils de l’homme qui arrive, est l’heure de l’accomplissement de la volonté de Dieu, lui qui se fera caché tout en restant présent mais silencieux dans la passion de son fils, attendant son Heure à lui pour se révéler dans la résurrection glorieuse. Ainsi, nous dit l’antienne d’ouverture de la messe, la croix devient notre fierté et passage vers la gloire, pour passer comme dit l’évangile « de ce monde à celui du Père » (Jean 13 : 1).
Notre volonté de puissance est confondue le Jeudi Saint, puisque le Seigneur choisi le rabaissement plutôt que la preuve de force devant son heure qui arrive. Il choisit le chemin des petits, des humbles et du serviteur en servant et en s’offrant lui-même comme nourriture pour nous. Notre volonté est encore confondue puisque le récit de l’évangile choisi ne parle point de l’institution de l’eucharistie elle-même, mais plutôt du récit du lavement de pieds dans l’évangile de Jean. Ce geste symbolique n’est que l’autre versant de l’Eucharistie qui est don, service gratuit, signe d’amour parfait qui porte les autres, les aimants « jusqu’au bout ».
Jésus aima les siens jusqu’au bout
L’évangile nous dit que Jésus aima les siens jusqu’au bout. Son amour n’était pas du simple affectus, basé sur la vulnérabilité affective envers ses disciples, ni du simple appetitus comme tendance et attraction vers le bien contenu en ses disciples. L’amour de Jésus, l’amour qui va « jusqu’au bout » est l’amour fou qui ne peut provenir que de Dieu lui-même. L’amour qui supporte jusqu’à donner sa vie, qui supporte jusqu’à en mourir. Loin des peintures et des maquillages du langage des amoureux, l’amour de Dieu va droit jusqu’à la croix et de la croix à la mort. Et dans l’évangile, Jésus exprime son amour par l’humilité. Humilité par rapport à sa connaissance de ce qui arrive (Sachant que l’heure était venue…Jean 1,1). Humilité par rapport au pouvoir que le Père remet dans ses mains (…le Père lui a tout remis entre ses mains…Jean 1, 3). Humilité par rapport à son intimité avec le Père (…qu’il est venu de Dieu et qu’il retourne à Dieu). Humilité par rapport à son rang de maitre, qui quitte la table, se dépouille de son manteau, se ceint et lave les pieds de ses disciples.
Jésus se fait serviteur et nous révèle son modèle de leadership : être attentif à ce qui manque, être disponible, être dépouillé et être prompte au service. C’est le résumé de toute sa vie. En quittant la table, il nous rappelle son oui de descendre parmi nous pour faire la rédemption du monde. En se dépouillant de son manteau, il nous rappelle son incarnation et son apparence vulnérable en devenant semblable à nous. En se ceignant, il nous révèle chaque acte de service et de bonté rendu à l’humanité, dont le sommet s’annonce dans solennité de sa crucifixion. C’est cela le prêtre, nous enseigne Jésus. C’est cela le sens du sacerdoce ministériel. Ce n’est nullement la recherche de sécurité personnelle, mais l’amour profond qui accepte le risque de servir jusqu’à être prêt à donner sa vie comme le Christ.
Le geste du Christ est un exemple. Il nous invite à faire de même
Etre prêtre, c’est s’identifier au Christ. Etre prêtre c’est être ouvert au discernement en vue de reconnaitre la volonté de Dieu qui appelle à servir et ainsi à collaborer au salut. Etre prêtre c’est avoir la passion du salut des âmes, en n’importe quel lieu et pour n’importe quelle personne. Etre prêtre c’est voir comme Jésus voit, c’est faire comme Jésus fait. C’est cela qui donne le goût au prêtre et sans cela point de goût de la part du prêtre. Le prêtre sent bon lorsqu’il reflète le Christ, le prêtre sent mauvais lorsqu’il reflète la bête cupide, insouciante, à la recherche « des bonnes relations » en vue du profit matériel, en négligeant le soin de son intimité avec le Seigneur et le soin à accorder aux âmes.
La résistance de Pierre face à Jésus qui veut lui laver les pieds est la résistance de tout chrétien face à la peur de perdre sa sécurité, à chaque fois que l’évangile nous incite à aller plus loin dans le service et l’amour des autres. Le geste du Christ est un exemple. Il nous invite à faire de même, à laver les pieds les uns les autres. A être au service des uns des autres. C’est cela l’amour que porte l’eucharistie. C’est un amour donné, reçu et partagé. La prière d’ouverture de la messe demande à ce que ce sacrement d’amour nous obtienne la charité et la vie. L’amour donne l’amour, l’amour donne la vie et la vie donne la vie. C’est cela le mystère de l’eucharistie que le Seigneur institue en ce soir.
Que l’Eucharistie reçue que nous allons recevoir ce Jeudi Saint, nous donne la force spirituelle de veiller avec le Christ qui va droit vers sa passion. Que l’eucharistie reçue nous donne la force d’affronter nos croix quotidiennes avec patience, bonté et foi de Jésus. Que l’Eucharistie célébrée en ce Jeudi Saint, soutienne nos prêtres et nourrisse chaque jour leur vocation et les fasse grandir en amour et en service pour leurs frères et sœurs !
Norbert KABUKAPUA, SJ
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