Jean, le dernier des prophètes avant Jésus propose un rite purificateur, une plongée dans l’eau courante du fleuve pour en ressortir remis à neuf. Dans l’attente du libérateur promis, il brosse son portrait-robot : Jésus sera plus fort que lui. Justement, Jésus, le plus fort entre en scène, un homme ordinaire qui marche sur le chemin de l’humanité. Un homme qui prie, un homme qui est en lien avec le divin. Solidaire, Jésus se glisse dans la file des candidats au salut, prenant sur lui toute l’attente des générations qui le précèdent, comme de celles qui le suivront. En sa personne de chair et de sang, la communication entre le ciel et la terre est rétablie. Sa manière de vivre, ses engagements et son enseignement incarnent la conversion, ce changement radical d’orientation annoncé par le baptême de Jean.
Le rite du baptême de Jésus a la valeur que Jean et ses disci¬ples lui donnent ; plongeant dans l’eau, ils veulent manifester publi¬quement qu’ils noient, qu’ils soumettent à la mort une part d’eux-mêmes, cette part qui est contraire à la vie. Ressortant de l’eau, ils rejouent et réactualisent l’événement de la naissance et même le fait de leur création. Mort et vie nouvelle. Le baptême est donc en fonction du péché, ce mal fondamental qui s’oppose en nous à la vie. Or, Jésus n’a pas à mettre à mort une part obscure de lui-même ; il n’a pas à « renaître » : il est celui qui naît de Dieu (Jn 1). Quelle signi¬fication peut avoir pour lui ce baptême ? C’est tout le Nouveau Testa¬ment qui nous répond : Jésus se solidarise avec les injustes pour subir le sort des injustes.
Chers frères et sœurs, une voix venue d’en haut confirme le lien de parenté entre le ciel et la terre : Tu es mon fils bien aimé. Ne nous fatiguons plus à scruter les cieux, regardons plutôt le monde dans lequel nous vivons, et reconnaissons en chaque être la Présence de Dieu. Le baptême de Jésus revêt une double signification. À cause de « la voix qui vient du ciel » et qui le désigne comme « le Fils bien aimé ». Ce rite prend valeur de manifestation, de révélation aux hommes de l’identité du Christ. La « voix qui se fait entendre » change radicalement le paysage. Nous ne sommes plus dans le baptême pour la rémission des péchés. La voix du ciel désigne Jésus comme révélation de tout l’amour de Dieu pour les hommes.
Quant à notre baptême, le batême chrétien qui trouve en celui de Jésus son origine, Paul dira : « Ignorez-vous que nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été mis au tombeau avec lui par le baptême qui nous plonge en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions, nous aussi, une vie nouvelle. » Dieu nous rejoint dans l’humilité de cet homme qui vient se faire baptiser par Jean dans le Jourdain, en attendant de s’humilier jusqu’à la mort et la mort de la Croix (Philippiens 2,5). C’est lui qui nous est désigné pour qu’en lui tout prenne et reprenne vie.
La visite des rois mages, le baptême de Jésus et le signe de Cana sont des « manifestations », des révélations de l’identité du Christ. Le récit de Cana se termine par « Ainsi il manifesta sa gloire ». Au baptême la « voix de Dieu » le désigne comme le « Fils bien aimé ». Pour l’Épiphanie, c’est la manifestation du Christ d’Israël aux païens, et aussi la manifestation à Israël que les païens sont appelés au partage de la même promesse. Les mages rentrent en rendant gloire de Dieu. Il faudra toute la vie de Jésus et, au sommet, la Pâque, pour comprendre ce que signifie « gloire » et « Fils bien aimé ». A travers toutes ses manifestations Dieu vient rassembler les nations en son Fils qui nous communique sa filiation.
Chers frères et sœurs, Jésus n’aurait pas pu être déclaré « Fils bien aimé », dépositaire de tout l’amour de Dieu, s’il n’avait accepté de rejoindre les pécheurs dans les eaux de la mort. Il n’aurait pas été « l’image du Dieu invisible » qui est amour au point de venir nous recher¬cher dans notre détresse. Tout l’amour qu’il y a en Dieu nous atteint par Jésus. Il est le « lieu » de la rencontre, de l’alliance. C’est vers lui que nous avons à nous tourner. C’est vers ce Jésus qu’il faut aller, c’est lui qu’il faut suivre.
Quel sens donnons-nous à notre baptême ? Car notre baptême doit avoir un sens, une orientation, il doit nous ouvrir à d’autres sacrements qui nous font croître dans la foi, l’espérance et l’amour ? Le Baptême doit nous ouvrir au sacrement de l’ordre ou à celui du mariage…etc.
P. Pierre Boubane sj- Homélie prononcée à la paroisse Saint Mathias Mulumba, N’Djaména (Tchad)-09 janvier 2022.