An 1521. Illumination d’Ignace de Loyola à Manresa. Le Père Arturo Sosa, actuel Supérieur Général des jésuites définit l’illumination du fondateur de la Compagnie de Jésus comme la « compréhension intérieure de la relation d’Ignace avec Dieu et des projets que le Seigneur avait pour lui ». Dans le cadre des célébrations des 500 ans de cette expérience spirituelle, le Général des jésuites salue une « occasion unique » pour effectuer un pèlerinage dans cette localité où l’ordre des jésuites est dans son état embryonnaire. A ses confrères qui ont fait le déplacement à Manresa, le Père Sosa leur a souhaité de « recevoir », à travers saint Ignace, ce qui l’a « séduit » dans cette petite ville barcelonaise.

Dieu a été « plus que généreux » avec Ignace, estime le Père Sosa. Dieu a été « surabondant, excessif », reconnaît-il dans son homélie prononcée devant les pèlerins, le 31 juillet dernier. En effet, après près de onze mois passés à Manresa, « l’Íñigo, un converti de Loyola, en ressort encore plus déterminé à imiter le Christ et à parler en son nom ». Mieux, toujours selon le Père Sosa, Ignace obtient des « outils pour mieux comprendre le langage de Dieu et pour aider les autres à essayer de le déchiffrer et à décider en fonction de ce que chacun a compris dans l’Esprit ». Le Père Sosa parle de l’esprit de discernement spirituel acquis par Ignace sur son lieu d’illumination. Il a su transmettre, à ses contemporains et à ses héritiers sa méthode de discernement des esprits qu’il a expérimentée dans la prière quotidienne.

Oscar Bimwenyi-Kweshi, un auteur congolais bien connu dans les écoles de théologie et de philosophie en Afrique note la complexité du problème herméneutique de la distance culturelle et historique, lorsqu’il s’agit « des communautés négro-africaines ». Les Africains, écrit-il, n’ont pas « Athènes et Rome comme racines culturelles et cadre de références religieuses ». La rencontre de l’Africain avec Dieu a eu lieu à « l’ombre du palmier, sur les collines… ». Une observation que nous partageons entièrement. En cette Année ignatienne, c’est sur ces lieux singuliers que le Seigneur invite chaque jésuite africain à aller en pèlerinage.

Certes, pour les raisons susmentionnées Manresa est, incontestablement, l’un des lieux historiques de pèlerinage pour tous les membres de la Compagnie de Jésus. Mais le jésuite africain a son Manresa à lui, son lieu d’illumination, le lieu où le Seigneur l’a séduit. Et cette référence spirituelle se trouve quelque part dans sa zone géographique et culturelle. Se rendre sous la “tente” de la rencontre avec Dieu et de la révélation de sa vocation revêt un sens particulier (cf. la rencontre “sous le figuier” de Nathanaël – Jn 1, 48). Il s’agit pour chacun de se remémorer le fruit de sa retraite d’élection qui a conduit au choix de devenir jésuite. Une telle relecture de la genèse de sa vocation appelle à un renouvellement spirituel pour un nouvel élan dans l’engagement apostolique. Elle lui permet également de « Voir toute chose nouvelle en Christ ». C’est le thème retenu pour la célébration de l’Année ignatienne. Parmi les sous-thèmes, celui qui revient le plus dans les écrits est la conversion spirituelle et apostolique. La conversion peut signifier un retour au pied de la croix pour contempler le Christ humble, pauvre et obéissant au Père. Jésus-Christ accomplit jusqu’au bout l’œuvre de rédemption du genre humain par amour. C’est ce Christ fidèle et obéissant dont Ignace a voulu être le compagnon au service de l’humanité en détresse.

Ceci est un rappel : Ignace acquit à Manresa des « outils pour mieux comprendre le langage de Dieu » et pour mieux aider ses contemporains à discerner la volonté de Dieu dans leur vie. Les successeurs et héritiers d’Ignace sont toujours à la quête de ces mêmes outils de discernement. En effet, les jésuites restent à l’école de l’Esprit Saint pour mieux discerner les projets que le Seigneur a pour eux, à titre individuel mais aussi, en tant que membres d’un même ordre religieux. Enfin, que peut bien signifier et symboliser ce retour à Manresa ? C’est une invitation à disposer le cœur pour recevoir la Sagesse de Dieu. A son époque Ignace ouvrit le sien, parce que convaincu que le reste lui serait donné en surplus : « Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et l’homme qui possède l’intelligence » (Sagesse 3,13).

Lancée le 20 mai 2021 dans la province d’Afrique occidentale (AOC), l’Année ignatienne sera-t-elle une année de grâce ? C’est, en tout cas, le souhait du père provincial, Mathieu Ndomba sj. Il prie pour une année jubilaire de sursaut spirituel et apostolique. C’est un des enseignements qu’on peut retenir de son appel aux jésuites de sa province à s’approprier les activités proposées par la commission chargée de l’animation des célébrations du jubilé. Mieux, le père Ndomba exhorte ses confrères à la « créativité » : « Je vous demande de vous en inspirer avec créativité ».

L’engouement autour de l’Année ignatienne est partout dans la province AOC. Cette effervescence aura-t-elle un impact réel dans l’exécution des préférences apostoliques ? L’interrogation est permise mais pas le doute. Chaque chose ayant son temps, le moment de la relecture de l’année jubilaire viendra. Le bilan sera fait. Mais en ces jours, en ces semaines et en ces mois de l’année de 2021-2022 en cours, chaque jésuite a rendez-vous avec le Seigneur à Manresa, son lieu d’illumination personnelle. C’est un momentde ressourcement spirituel pour un nouvel élan apostolique.

Pierre BOUBANE

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