« Tous les moyens qui nous unifiassent directement à Dieu doivent être plus que jamais Pratiqués (Constitutions N°813).» Tel est la mouvance sous laquelle les scolastiques étudiants de Yaoundé, après la fin des cours, ont pris un temps pour se ressourcer spirituellement chez les Sœurs de l’immaculée conception de Medong. Ce triduum de Noël prêché par le P. Nestor Dabiré, S.J., avait pour thème principal : « Un temps pour tout remettre en place ». Partant de la méditation du règne, le prêcheur a insisté sur la portée du mystère de l’incarnation autour duquel, la Compagnie propose à chaque Jésuite en formation de prendre un temps pour faire le point sur le vécu concret de son appel à suivre le Christ pauvre, chaste et surtout obéissant au point d’accepter de s’incarner dans notre monde et sa mondanité. Pour permettre de laisser la créature communiquer directement avec le créateur dans la relecture de sa vocation, le Père a choisi d’adopter une méthodologie moins discursive. Toutefois, cette méthode comporte quelques questionnaires proposés à la fin de chaque point pour aider chacun à relire sa vie à la lumière des vœux.
A cet effet, le leitmotiv de la première soirée était l’appel à être vrai avec soi-même comme condition d’être-heureux dans toutes vocations. Pour aider les retraitants à entrer dans cet état d’esprit, le Père a proposé une question de réflexion priant à savoir : « quel est mon état actuel ? » La méditation de cette question a préparé les retraitants à accueillir le point focal de ce triduum articulé autour de quatre points correspondant aux quatre vœux propres à la Compagnie.
Sur la pauvreté, le Père faisait remarquer que ce concept est quasi inexistant dans la bible. Celle-ci nous parle plutôt du pauvre renvoyant ainsi à une manière d’être. En effet, contrairement à la logique du riche qui se suffit lui-même, le pauvre est celui qui se reçoit de Dieu. Cette attitude d’ouverture le pousse au partage de ce qu’il a. Ainsi, est pauvre ou vis le vœu de pauvreté celui qui donne tout aux autres parce qu’il considère tout ce qu’il a comme don de Dieu. Cependant, la culture ambiante de ce temps nous installe parfois dans un désordre qui peut être la luxure issue du consumérisme et de la peur du manque. C’est ce qui justifie certaines revendications de la part des sujets ou certaines résistances non justifiées des supérieurs. A travers une série de questions, le Père a invité les retraitants à relire leur expérience dans la Compagnie à la lumière du vœu de pauvreté pour voir ce qui est assumé et le chemin qui reste à parcourir.
Pour renforcer la compréhension du vœu de la pauvreté, une transition a été faite à l’extrême soir sur l’identité du Jésuite. Selon le Père, celle-ci est une réalité vécue et dépend d’un Jésuite à un autre. Mais, elle peut passer par quatre étapes différentes. Il y a, premièrement l’étape d’enfance où le Jésuite semble jouer de la vie et de sa vocation. Ensuite, l’étape du disciple qui correspond à un processus de maturation caractérisée par le choix de son identité personnelle. Cette étape sera suivit de celle de l’intendance où le Jésuite exercera une autorité à travers quelques responsabilités et devrait transmettre la foi au plus jeunes. En fin, il y a l’âge du témoin fidèle qui fait prendre conscience au Jésuite que la valeur de la vie ne se résume pas aux choses qu’il aurait construit, s’il en a fait, mais à la manière de suivre le Christ. Ces étapes sont intégratives. D’où la nécessité de prendre au sérieux chaque étape en étant vraie. C’est la seule manière de les réussir dans le vécu concret de la pauvreté qui n’est pas uniforme à tous. Car, chaque Jésuite est diffèrent et devrait avoir sa place correspondant à sa particularité dans ce corps que nous formons.
Quant au vœu d’obéissance, il consiste à écouter la parole de Dieu et à le mettre en pratique. Écouter ici nécessite une ouverture, une disponibilité voir une vulnérabilité. Dans la compagnie, l’obéissance est rattachée à la mission. Elle devrait aboutir à un « jusquoùboutisme », car une fois que l’on a bien discerné, il est inutile de s’arrêter à mi-chemin. Néanmoins, quelques désordres peuvent s’observer dans le vécu quotidien de ce vœu qui nous est si cher. Parmi ces désordres, il y a l’orgueil, le désir de domination et de justification, le mépris de l’autorité ou des sujets. Pour nous aider à intérioriser ces vœux, une question nous a été posée de savoir : « Quelle est notre expérience personnelle de l’obéissance dans la Compagnie ? » A l’extrême soir, le Père est revenu sur le vœu d’obéissance au Pape pour la confronter avec la modernité. Ce vœu spécial au Pape signifie simplement que notre vœu d’obéissance est vécu dans un corps appartenant à l’Église. De nos jours, l’obéissance fait partie des traditions sacrifiées à l’autel de la modernité. Pour surmonter cette culture ambiante, il est nécessaire de connaître la tradition avant d’oser la changer. Un vivant appel avait été lancé au respect de la liturgie et des sacrements notamment le sacrement de réconciliation. Car, il est signe de l’humilité source d’obéissance.
Au sujet de la chasteté, Ignace lui-même n’a dit grand-chose. Mais de manière générale, souligne le Père, ce n’est pas d’abord une privation des puissances d’amour qui sont en nous. Cependant c’est « aimer Dieu de tout son cœur, de tout son âme et de toute sa force. ». Son enjeu principal se trouve dans la qualité de service que nous accomplissons. Car, la chasteté régit nos rapports à nous même, aux autres et à Dieu. Ce qui exige une acceptation de soi, source de l’acceptation des autres et finalement de l’amour de Dieu qui nous fait passer de la peur à la confiance. Cela devrait nous rendre libre vis-à-vis des désordres qui peuvent lui être liés tels que la paraisse, la superficialité, la vulgarité et la possession aux créatures. Le remède de ces désordres demeure la prière et surtout la dévotion à la vierge Marie comme Ignace nous l’a montré dans le Récit de pèlerin. Pour aller plus loin dans la prière personnelle, il a été proposé de réfléchir sur les lieux de nos vies où nous sommes esclaves ou objet d’esclavage des créatures.
Après la dernière conférence de ce triduum, une matinée a été consacrée à la célébration du sacrement de réconciliation au cours de laquelle chacun a pu se réconcilier avec lui-même et avec Dieu. Comme de coutume, la Messe au cours de laquelle sont rénovés les vœux était célébrée le dimanche 24 décembre 2017 dans la chapelle d’Ekounou et a été animé par les scolastiques de la communauté Saint François Xavier de Melen.
En péroraison, une activité spirituelle ignatienne, aussi originale, intelligible et saint soit elle, n’a de sens que si elle aide celui qui s’y adonne à se vaincre pour ordonner sa vie à la suite du Christ. D’où la nécessité pour les participants voire les lecteurs d’incarner ces belles théories apprises, d’en faire vie pour que nos différentes contemplations soient les chemins qui parviennent à l’amour ; un amour qui se manifeste plus par les actes que par les paroles.
DJERAREOU Eric, S.J.
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