Nous avons été appelés individuellement mais le Christ nous a rassemblés pour travailler ensemble dans sa vigne. Ce sens communautaire, nourri et consolidé par notre pratique des Exercices Spirituels, nous permet de nous sentir en union les uns avec les autres dans nos pays et activités. Ainsi, le jésuite n’est pas seul à s’engager envers le Seigneur ni à accueillir son appel à la mission. Il rejoint un groupe missionnaire, une communauté, un corps.

Le jeune jésuite apprend à faire partie d’une communauté, à situer son travail, ses études, ses engagements apostoliques, dans un ensemble qui le dépasse et dont l’obéissance en même temps que l’ensemble des rapports fraternels assurent la cohésion et la croissance.

La Compagnie de Jésus est une communauté missionnaire : elle ne se définit pas par la stabilité d’un groupe situé à un endroit, centre rayonnant de prière et d’accueil évangélique; elle n’est pas, comme la communauté monastique, rassemblée de façon permanente autour d’un abbé, père ou aîné, pour signifier l’engagement mutuel jusqu’à la mort de frères que Dieu a mis ensemble. Ou plutôt, si notre vie inclut un tel engagement mutuel sans retour possible, cela est vrai d’abord de la communauté globale du corps de la Compagnie, qui évidement ne vit pas comme tel rassemblé en un même lieu. La communauté des compagnons de Jésus est une « communauté pour la dispersion». Elle est une communauté d’amis dans le Seigneur. Si elle trouve son centre propre dans la mission, c’est de la vérité avec laquelle chacun assume la mission confiée qu’elle reçoit aussi sa cohésion.

Il faut, pour vivre en communauté, développer en soi une capacité d’attachement fraternel, d’écoute, de respect de l’autre, de franchise et de vérité dans les rapports, d’attention, d’amitié, de compréhension, de bienveillance et de miséricorde. Il faut être capable d’entrer avec ses frères dans une prière commune, dans un échange sur la vie et l’apostolat, dans une réflexion, une recherche, un discernement, qui soient au bénéfice de tous. Il faut pour cela pouvoir faire taire en soi l’égocentrisme, l’individualisme ou la tentation de l’isolement; il faut pouvoir dépasser l’esprit partisan ou fermé… Mais toutes ces conditions essentielles de la vie fraternelle sont encore insuffisantes pour une communauté apostolique telle que veut l’être la Compagnie de Jésus.

Après m’être attaché profondément à mes frères, je dois être prêt aussi, dès demain, si cela m’est demandé, à me rendre ailleurs, pour former avec d’autres une communauté nouvelle, pour reprendre avec le même élan et les mêmes exigences la voie de la construction communautaire sur des bases et dans un environnement qui peuvent être tout nouveaux. Tel est le prix à payer pour la mobilité apostolique, pour la liberté de l’engagement missionnaire. Comment conjuguer ensemble ces deux requêtes tout aussi essentielles : être prêt à la dispersion, croire à la communion des frères? Toutes deux cependant définissent en profondeur la qualité et la vérité de la vie des compagnons de Jésus. En somme, la dimension communautaire de notre mission n’est pas acquise une fois pour toutes mais elle demande un effort pour la renouveler et la consolider constamment.