Depuis 2020, une situation sociopolitique chaotique règne en Afrique noire francophone. Un climat favorable aux hommes en treillis qui s’affichent comme une alternative aux Présidents des Républiques pourtant élus par leurs peuples. Certes, on aura toujours à dire sur la manière dont ces derniers sont souvent élus, mais ils sont quand même élus au terme d’un scrutin. La dernière victime des coups de forces des militaires est Ali Bongo, Président de la République du Gabon. Son Maday Maday adressé à ses amis pour un atterrissage en douceur n’a rien donné. Le 30 août 2023, son régime est enterré sans fleurs ni couronne.
Aux gémonies des dirigeants politiques corrompus à la solde de la France
Depuis quelques-années on jette aux gémonies des dirigeants politiques corrompus à la solde de l’Occident, surtout de la France. C’est la France qui est à l’origine de tous les maux dont souffre l’Afrique noire francophone, entend-on de la bouche de certains panafricanistes autoproclamés. Dieu sait ! Ils sont nombreux à investir la toile bleue pour conscientiser la jeunesse africaine, l’invitant à se libérer du joug de la France. Auguste Bébel disait à propos de l’antisémitisme qu’il est “le socialisme des imbéciles”. On peut dire la même chose de la francophobie chez certains militants dits panafricanistes. Tous les malheurs de l’Afrique, tout ce qui se trame de louche sur le continent sont le fait de la France : la corruption, la pauvreté, le chômage, l’insuffisance d’électricité et d’eau potable. Mais surtout la France manipule tout. Pour être libre il faut passer au poteau nos chefs d’Etat marionnettes. Eux, les panafricains ou panafricanistes 2.0 sont prêts et déterminés à aider cette jeunesse dans cette quête de liberté, disent-ils. Qui les a sollicités ? Personne ! Eux-mêmes se sont donnés la mission. De temps en temps, certains d’entre eux au parcours peu élogieux invitent les armées nationales à prendre leurs responsabilités. Tous ces discours sont tenus sur les réseaux sociaux. A observer la situation politique en Afrique de l’ouest et maintenant en Afrique centrale, on peut dire que les messages véhiculés par ces influenceurs ne tombent pas dans des oreilles sourdes.
Les militaires maliens ont entraîné tous les pays voisins
Les généraux, capitaines et colonels qui se présentent aujourd’hui comme une alternative aux professionnels de la politique ne seraient-ils pas aussi corrompus que leurs patrons qu’ils renversent ? Depuis 2020, les militaires maliens ont entraîné tous les pays voisins dans une sorte de mimétisme délirant. Il suffit d’écouter les discours des auteurs de putschs pour s’en rendre compte du caractère mimétique du phénomène en vogue. Ces hommes armés n’ont-ils fait partie du système contre lequel ils se rebellent aujourd’hui ? N’ont-ils pas bénéficié de la largesse de leurs patrons qu’ils diabolisent aujourd’hui ? Ils ont été formés, la plupart, dans des écoles d’officiers hors du continent. Comment ont-ils été sélectionnés pour être envoyés en formation ? Il parait que le nouvel homme fort de Libreville est un neveu ou cousin de Ali Bongo. La vérité est que ces hauts gradés ont été formés et nourris, des années durant, par les systèmes qu’ils dénigrent. Comment ont-ils gérés les budgets alloués à leurs corps ? Si seulement leurs inférieurs pouvaient s’exprimer publiquement ! On ne répare pas une injustice par une autre injustice. Si ces militaires aimaient tant leurs patries ils devraient, à chaque fois, remettre le pouvoir à un civil après l’avoir arraché à un autre civil. Pour ne citer que le coup d’Etat du 30 août au Gabon, l’idéal serait que le candidat de l’opposition soit investi comme président de la République. Puisqu’ils plusieurs observateurs estiment que c’est lui le véritable vainqueur de l’élection du 26 août dernier.
Des opportunistes qui attendaient le bon moment pour montrer leur vrai visage
En Guinée, au Niger ou encore au Gabon les auteurs des putschs étaient tous responsable de la sécurité du Président de la République. C’est à se demander s’ils n’étaient pas juste des opportunistes qui attendaient le bon moment pour montrer leur vrai visage. Les dirigeants renversés ont sans doute péché par imprudence. Le sage l’a dit avec éloquence : il faut toujours se méfier de son bras droit ! Car on ne peut être trahi que par un proche qui nous a longtemps étudié et qui a fini par connaître nos faiblesses. Notre continent est habitué des coups bas. Au Zaïre, jaloux de la popularité de Patrice Eméry Lumumba, Joseph Désiré Mobutu commet l’irréparable. Il fera arrêter, puis exécuter le nationaliste Lumumba avec la bénédiction de certaines puissances étrangères. Nous sommes dans les années 60. Depuis, le Zaïre devenu République démocratique du Congo est un pays qui peine à se stabiliser. Pour les adeptes du fétichisme, ce pays continent reste hanté par l’esprit du nationaliste Lumumba. Sous d’autres cieux la trahison ou la traitrise se paie. Evgueni Prégogine, le chef de Wagner en a fait les frais. Passons !
Une activité politique quasi inexistante dans les pays où règnent les bérets
Le constat est que l’arrivée de ces bérets à la tête de nos Etats n’est pas synonyme de stabilité politique et ni de sécurité. Depuis que Mamadi Doumbouya est devenu chef de l’Etat de la République de Guinée il n’existe, pratiquement, plus d’activités politiques dans ce pays. Les chefs des partis de l’opposition vivent en exil. Sidiya Touré président de l’Union des forces républicaines (UFR) vivrait en Côte d’Ivoire, Cellou Dalein Diallo président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) s’est réfugié au Sénégal. Au Mali depuis que Assimi Goïta est à la tête du pays, il n’y a que deux personnes qui s’expriment dans les médias, notamment internationaux : M. Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et M. Choguel Kokala Maïga, Premier ministre. Ces deux personnalités s’expriment au nom de plus de 15 millions de Maliens devenus aphones. Même le très influent imam Mahmoud Dicko est réduit au silence. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré fait rire, en silence, certains burkinabè. Il se prend pour Thomas Sankara dans son style et sa rhétorique. Il a suspendu la diffusion de plusieurs médias, provoquant une vive émotion et frustration chez les professionnels du métier. Le pays de Norbert Zongo était jusqu’à l’avènement IT une référence en matière de liberté de la presse. Où va-t-il conduire le Burkina ?
Cette nouvelle méthode d’arracher le pouvoir par la force va-t-elle s’arrêter un jour ?
Nos peuples doivent prendre le mal en patience. A moins que les auteurs ou les potentiels auteurs des putschs soient forcés de retourner dans les casernes. Une force ne peut être neutralisée que par une autre force supérieure. Voilà pourquoi dans le cas du Niger nous sommes de ceux qui pensent qu’une intervention militaire serait dissuasive. Même si les esprits amnésiques accusent la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO de n’avoir pas aidé les pays du Sahel dans la lutte contre les djihadistes. A-t-on déjà oublié que lorsque l’ONU décide de l’envoi des casques bleus au Mali, ce sont les pays de l’Afrique de l’Ouest et le Tchad qui ont fourni les contingents les plus importants de la Minuma ? Ces pays contributeurs ont perdu des militaires sur le sol malien. Dire que le Mali a été abandonné par ses voisins, c’est cracher sur les tombes des militaires tchadiens, togolais, ivoiriens et sénégalais qui sont tombés au Mali sous les balles assassines des djihadistes.
Terminons notre propos avec les mots de l’historien Abdoulaye Bathily, très pertinents à notre goût : « c’est naïf, estime le professeur Bathily, de penser que les coups d’État militaires régleront les questions politiques et sécuritaires au Sahel. Les militaires sont comptables de la gabegie, du népotisme et de la corruption dans nos États ». Et nous rappelons ceci : celui qui arrive au pouvoir par l’épée, périra sans doute, par l’épée. Bien sûr, c’est un constat et non un souhait formulé contre les putschistes qui détruisent les quelques acquis démocratiques hérités des pères fondateurs de nos Etats.
Pierre Boubane, journaliste
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