La raison qu’elle avance est que « Joyeux Noël » est une expression qui ne serait « pas assez inclusive ». Sa proposition suscite plusieurs critiques, jusqu’au Vatican. « Effacer Noël n’est pas la façon de lutter contre la discrimination », réagit le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège.
A Strasbourg, au siège du Parlement européen, c’est l’eurodéputé français François Xavier Bellamy du parti Les Républicains (LR) qui monte au créneau. C’est une « Folie d’atteindre ainsi la haine des racines qui ont fait l’Europe », fustige Bellamy qui n’a jamais caché son appartenance à l’Eglise catholique. « Noël, poursuit-il, n’est pas que le prétexte des vacances d’hiver, c’est le jour où est né le monde dont nous héritons, le début de notre ère, la référence à partir de laquelle nous comptons nos années ». C’est une « Folie parce que nier ce qui nous relie c’est détruire toute possibilité d’appartenir à une culture commune. (…) Vous n’attaquez pas des symboles superflus mais ce qui unit l’Europe et vous ouvrez la voie à toutes les fractures de demain », ajoute l’eurodéputé français. Philosophe et profondément ancré à droite, Bellamy ne défend pas seulement son identité catholique. Il tient aux racines chrétiennes de l’Europe. « Toutes les Madame Dalli de Bruxelles n’empêcheront jamais, prévient-il, que le jour de Noël les bureaux de la commission seront vides à cause de l’infinie espérance dont parlait Hannah Arendt à travers ce qu’elle décrivait comme la plus grande des bonnes nouvelles, la bonne nouvelle des Évangiles : Un enfant nous est né ».
Selon les informations de La Croix, quelques jours après son retour de Grèce, le 6 décembre dernier, le pape François a reçu une « missive personnelle » de la Présidente de la Commission de l’Union européenne, Ursula von der Leyen. Elle rassure le pape que l’Union européenne s’inspire de « l’héritage culturel, religieux et humaniste de l’Europe ». Finalement la Commissaire Helena Dalli a été contrainte de retirer son « guide de l’inclusivité ».
Depuis quelques années l’Europe vit une profonde crise identitaire. En France, le 10 juillet 2015, la loi Macron est adoptée. Elle autorise le travail le dimanche. Elle vise à libérer la croissance et à diminuer le chômage. Une vieille tradition est rompue pour satisfaire un système capitaliste qui ne voit que l’économie partout, à chaque instant, et en chaque personne. Afin d’enregistrer plus de recettes, le commerce est ouvert le dimanche. Dans son livre Demeure (Paris, Grasset 2018 – 272 pp) le même eurodéputé français, François-Xavier Bellamy écrit que ce n’est pas tant une nécessité économique qui a poussé le gouvernement français à permettre le travail le dimanche, mais plutôt « la seule obsession moderne de l’expansion de l’économie » (p. 222). Contraint, le gouvernement répond à « l’esprit de compétition économique à l’américaine ».
La question qui peut être posée est celle de savoir s’il ne faut pas voir derrière une telle décision la volonté de mettre fin à une tradition à connotation religieuse. Le dimanche, c’est le jour du Seigneur dans la tradition judéo-chrétienne. L’homme se repose à l’exemple de son Dieu. Dans la longue tradition chrétienne, il s’agit de permettre aux croyants d’assister à la messe dominicale. Permettre aussi aux ouvriers d’avoir un jour de repos dans la semaine. La France a révoqué cette tradition pour répondre à des attentes économiques mais surtout au nom de la laïcité.
Retour sur la polémique autour de Noël. Au siège de l’Union européenne Bellamy s’est, directement, adressé à sa collègue à l’origine de la proposition polémique : « Madame Dalli, nous n’avons pas besoin de sauver Noël, c’est Noël cette année encore qui nous sauvera autant que durera l’Europe. Joyeux Noël ! », a-t-il conclu.
De fait, c’est dans la logique de la culture contemporaine influencée par les questions de genre et de laïcité que des élus ont le courage de faire des recommandations invitant à ne pas utiliser certains termes, dont “Noël”. La crise que traverse le vieux continent doit alerter les peuples des autres continents à réfléchir sur le type de relations qu’ils doivent entretenir avec cette Europe, longtemps perçue comme un modèle sur tous les plans, ceci pour ne pas la suivre et la copier sans discernement.
Pierre Boubane