
En marge de la première Conférence Continentale en préparation des célébrations du 400ème anniversaire de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, du 23 au 27 septembre 2019 à Nairobi au Kenya, le Père jésuite Paul Bere, enseignant d’Ecriture Sainte à l’Institut Pontifical Biblicum de Rome, estime, que l’évangélisation dans le contexte de ce qu’il qualifie de « deuxième mondialisation » doit être repensé au niveau des structures, des méthodes et même au niveau des procédures.
Entretien réalisé par Cédric Mouzou, SJ –Nairobi, Kenya
La première conférence continentale en préparation des célébrations du 400ème anniversaire de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, communément appelée Propaganda Fide, prévue en 2022, s’est achevé à Nairobi la capitale Kenyane, le 27septembre 2019. Il s’agit de la première continentale puisque des conférences similaires se tiendront en Amérique Latine en 2020 et en Asie en 2021. La Conférence qui s’est tenue sous le thème : Mission en Afrique, Evangéliser l’avenir a été organisée par Missio Aachen en collaboration avec l’Université Pontificale Urbaniana à Rome et le Tangaza University College à Nairobi. La rencontre avait pour objectif de relire l’expérience de la présence de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Durant 5 jours, du 23 au 27 septembre 2019, les participants se sont retrouvés à Nairobi pour discuter d’un certain nombre de thèmes, notamment de l’évangélisation et de l’inculturation.
Ecoutez le premier volet de l’entretient avec le Père Bere, SJ
La première rencontre continentale, est une conférence organisée à l’initiative de Missio et de l’Université Urbaniana de Rome en partenariat avec Tangaza University College. Il s’agit de relire l’expérience de la présence de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, anciennement connue sous le nom de Propaganda Fide. Sur le continent africain, nous nous sommes retrouvés pour discuter d’un certain nombre de thèmes qui étaient déjà sélectionnés. Un exemple de thématique c’est le visage de la femme, l’histoire l’évangélisation, de la sphère politique économique, le développement intégral de la personne et sur le comment conduire la mission aujourd’hui, et à la fin une synthèse de propositions à soumettre à la congrégation.
Est-ce que vous pouvez dans un premier temps nous parler de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples ?
Le pape comme responsable de la communion avec les autres évêques dans l’église catholique a une Curie qui est constituée d’un certain nombre de services qu’on désigne par Dicastères dans le jargon du Vatican. Chaque dicastère a en charge un aspect de la responsabilité du Pape et donc pour la mission en général il y a un dicastère qu’on appelle la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. C’est cette congrégation qui encadre, anime et accompagne les activités missionnaires.
Presque 400 ans après sa création, pensez-vous que la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a réussi son pari apostolique notamment dans le service de la promotion de la coordination et de la direction de l’œuvre d’évangélisation ?
La congrégation a fait son travail d’abord sous le nom de Propaganda Fide pendant plus de trois siècles et demi. Ensuite le nom a changé récemment c’était au siècle dernier, elle est devenue la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Et c’est cette congrégation qui a en charge la vie des églises en Amérique latine en Afrique et en Asie. Toutes les grandes initiatives passent par cette congrégation jusqu’au choix des évêques. C’est elle qui a l’expertise séculaire de la mission dans l’Eglise Catholique. Est-ce qu’elle a atteint ses objectifs ? Je dirais oui puisqu’elle a pu promouvoir la mission à travers les siècles. Je pense que quand une institution n’arrive pas à produire de fruits, on l’enlève. Donc si on l’a gardé jusqu’à présent c’est parce qu’elle a produit ses fruits. Mais ce que nous constatons aujourd’hui, c’est que le monde a changé, les dynamiques ont changé. C’est un point que j’ai abordé dans ma conférence. La congrégation a été créée lorsque le monde européen faisait l’expérience de ce que j’appellerais une première mondialisation. Nous sommes à l’époque de la deuxième mondialisation et donc il faudrait une structure adaptée à la deuxième mondialisation. La première mondialisation c’était l’Europe qui découvrait d’autres mondes et la mission à l’époque était une sorte d’expansion géographique de l’Europe et par conséquent une reproduction du modèle européen. Quand vous allez dans les pays anciennement colonies françaises, vous constaterez que les Eglises se sont implantées selon le modèle français. Aujourd’hui, la mondialisation a une autre figure, c’est la rencontre de plusieurs mondes et de plusieurs cultures. Donc il faudrait plutôt repenser le service de la congrégation, le service papal pour les missions en fonction justement de la nouvelle configuration du monde.
Donc il faut repenser l’évangélisation dans la méthode et la procédure en fonction de la seconde mondialisation.
Exactement ! L’évangélisation doit être repensée au niveau des structures, des méthodes et même au niveau des procédures. Dans mon argumentation, j’ai justifié cela par le fait que nous avons quatre évangiles. En effet nous avons quatre évangiles parce que le même message du Christ a pris la forme de la communauté à laquelle on s’adressait. Donc l’évangile de Matthieu n’est pas l’évangile de Marc. Les évangiles sont différents parce que les communautés sont différentes. Aujourd’hui, l’évangélisation prendra la forme des communautés auxquelles on s’adresse. Donc il faudrait justement qu’au niveau des structures, des méthodes et des procédures, qu’on tienne compte de ce public qui va façonner l’approche qu’on adoptera. Qu’est- ce qu’elle sera et comment elle se présentera ? Je ne sais pas.
Quel est votre regard sur cette évangélisation ? Est-ce que l’Afrique a été évangélisée comme il faut quand on se retrouve dans le contexte de la première mondialisation ?
J’ai proposé une image prise de la culture akan SANKOFA. C’est un symbole qui veut dire, retourner en arrière, puisé du passé et enrichir l’avenir. C’est un symbole représenté par un oiseau qui a la tête qui regarde en arrière et les pattes orientées vers l’avant. De façon anachronique nous pouvons juger le passé mais je pense que c’est faire du tort aux actes du passé. L’évangélisation en Afrique s’est faite avec ce qu’on appelle les trois M (Militaire, Marchand, Missionnaire). C’est dans ce même mouvement que l’évangile a été introduit. Il est donc difficile de savoir si le missionnaire est venu indépendamment du militaire qui est venu conquérir un territoire ou du marchand qui est venu acheter des esclaves ou des ressources naturelles. Toutefois, on peut affirmer que Dieu est passé par là pour nous communiquer l’expérience de l’évangile, de Jésus-Christ. Le discernement alors nous revient. Qu’est ce qui nous vient de l’évangile et qu’est ce qui relève de la coquille culturelle du missionnaire. Ici on peut se référer au philosophe Eboussi Boulaga qui parle de l’authenticité du Chrétien, comment faire pour ne plus vivre en chrétien par procuration. Aujourd’hui le processus d’évangélisation doit se faire avec la conscience vive qui nous revient d’assumer l’incarnation de l’évangélisation de Jésus Christ en terre africaine. C’est ce qui doit se faire sous la deuxième mondialisation.
Le Pape François insiste aujourd’hui sur la nature de l’église qui est missionnaire. Dans la première mondialisation, la mission e été comprise en termes d’expansion géographique. Donc aller vers les non-chrétiens. Le risque aujourd’hui est de croire que la mission ou l’évangélisation c’est aller vers celui qui ne connait pas l’évangile ou qui ne connaît pas le Christ. Nous dévons plutôt essayer d’incarner de plus en plus le message de Jésus-Christ. Cette dynamique n’est jamais achevée. Ceux qui ont réalisé l’évangélisation véritablement ce sont les saints parce qu’ils ont pu incarner au maximum l’évangile de Jésus. Et tant qu’on n’a pas incarné parfaitement l’évangile de Jésus-Christ, autrement dit tant qu’on n’est pas le reflet parfait de la figure du Christ, on n’est pas encore totalement évangélisé.
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