Jean-Marie Hyacinthe QUENUM[1], S.J.

 

Le dogme christologique enseigne que le Verbe divin, préexistant, dans sa relation au Père et à l’Esprit Saint à travers le mystère de l’incarnation est devenu homme en Jésus-Christ.

Jésus Christ, Dieu fait homme, a pleinement vécu l’existence humaine comme un Juif de Galilée dont la vie, le ministère public et le mystère pascal révèlent sa place unique de rédempteur dans l’histoire du salut.

A la lumière de l’Écriture, Jésus-Christ est le serviteur par excellence de Dieu, le fils de l’homme et l’unique-engendré du Père.

Comment les siècles de méditations et d’investigations rationnelles de l’Église ont-ils abouti à un langage précis et concis sur l’identité de Jésus-Christ  comme Dieu fait homme?

Quelles sont les difficultés d’ordre sémantique, exégétique et anthropologique qui entourent la définition de l’identité de Jésus-Christ comme Dieu fait homme ?

Quelle est la réalité présente du mystère de Jésus-Christ dans le contexte du XXIème siècle dominé par la pluralité religieuse et la troisième quête du Jésus historique[2]?

Dans notre exploration christologique, nous partirons dans un premier temps, de la méditation et de la pratique liturgique des communautés chrétiennes dans leur effort pour réfléchir sur le mystère de l’homme Dieu révélé dans l’Écriture et objet d’une analyse consciente dans les symboles et les actes des Conciles Œcuméniques de l’Église[3].

Dans un second temps, nous confronterons l’interprétation de l’unique-engendré du Père dans l’Église aux erreurs sur l’identité de Jésus, vrai Dieu et vrai homme.

Enfin, dans un troisième temps, nous réfléchirons sur la réalité présente de Jésus-Christ dans la perspective d’une christologie d’en haut et d’une christologie d’en bas dans un monde marqué par la pluralité religieuse en élargissant notre enquête à la christologie narrative.

  1. Le mystère du Christ révélé dans l’Écriture, dans les pratiques liturgiques et dans les Actes des Conciles Œcuméniques de l’Église

La question christologique « Pour vous, qui suis-je ? » initiée par Jésus à un moment décisif de son ministère public demeure toujours d’actualité pour chaque génération de disciples clarifiant leur rapport au prophète de Galilée et au prédicateur itinérant du Royaume de Dieu qui par le passage mystérieux de la mort à la vie devient objet de foi pour les premières communautés chrétiennes (Marc 8, 29 ; Actes des Apôtres 2, 24).

Chaque fois qu’un disciple de Jésus répond à cette question, « pour vous, qui suis-je ? », ce disciple fait de la christologie.

La christologie est la réflexion critique sur l’identité de Jésus comme l’oint de Dieu, comme sauveur et comme Seigneur ressuscité (Actes des Apôtres 2,36 ; Première Épître de Pierre1, 18-19).

La christologie comme réflexion critique sur l’identité de Jésus définit le rapport de cet homme étonnant et particulier du premier siècle, à Dieu et à toute l’humanité.

La réponse à la question christologique a un effet sur la vie personnelle et communautaire du disciple de Jésus-Christ dans l’Église, dans la société et dans le monde.

La réponse christologique s’inscrit dans deux perspectives distinctes de réflexion : la christologie d’en haut et la christologie d’en bas.

La christologie d’en haut a pour point de départ le Verbe divin du prologue de saint Jean qui devient pleinement homme en Jésus Christ. Le Verbe divin incarné est celui en qui demeure corporellement toute la plénitude de la divinité (Épître aux Colossiens 2,9).

La christologie d’en bas part de la figure humaine et historique de Jésus unie à Dieu dans la prière et dotée d’une autorité et d’une mystérieuse destinée extraordinaires qui lui donnent une place singulière et unique dans l’histoire du salut.

Les premiers disciples de Jésus au premier siècle de l’ère chrétienne, étaient des Juifs pieux qui ont continué à fréquenter le temple de Jérusalem (Actes 2, 46 ; Actes 3, 1). Ils professaient le monothéisme Juif tout en confessant Jésus-Christ comme celui qui accomplit les Écritures. Dans leurs prières d’action de grâces, ils mentionnaient les œuvres de Dieu en se servant des psaumes, cantiques et hymnes inspirés de la Bible Juive (Colossiens 3, 16). Mais peu à peu, les disciples de Jésus –Christ manifesteront la nouveauté de leur foi en le reconnaissant comme, Médiateur et Seigneur ressuscité par leur culte eucharistique célébré dans leurs maisons le premier jour de la semaine. [4]Au cours des assemblées dominicales, les prières adressées à Jésus sont de résonance eschatologique et reconnaissent l’autorité de Jésus sur l’Église et sur l’univers (PHILIPPIENS 2,9-10 ; Romains 10, 9 ; 1 Corinthiens 12,3 ; Hébreux 1, 10). Les formules de baptême et les professions de foi traitent Jésus-Christ à l’égal du Père et de l’Esprit Saint (Matthieu 28, 19 ; DIDACHÈ).L’Église née du mystère pascal est profondément enracinée dans le mystère de l’incarnation rédemptrice.

Avec l’incarnation du verbe de Dieu dans le monde en Jésus –Christ, Dieu qui transcende le monde n’est plus isolé de celui-ci. Dieu a pris sa place dans l’histoire humaine en une personne distincte du Père qui est sa parole révélatrice et de même essence que les deux autres personnes de la Sainte Trinité, le Père et l’Esprit Saint.

Face à la révélation du mystère de l’incarnation deux erreurs ont vu le jour au deuxième siècle de l’ère chrétienne : le docétisme et l’adoptianisme.

Le docétisme est une conception théologique qui nie la véritable humanité du verbe divin devenu chair. En attribuant à Jésus, une apparence de corps, le docétisme nie la souffrance et la mort du Verbe divin impassible et immortel[5].

L’Église réagira contre le docétisme en affirmant la pleine humanité du Verbe divin devenu homme souffrant et mourant pour le salut de l’humanité (1Jean 4, 2-3 ; 1 Corinthiens 15, 1-8 ; Éphésiens 1,7).

L’adoptianisme nie la divinité de Jésus-Christ en affirmant que ce n’est qu’à partir de son baptême, que le prophète de Galilée fut habité par l’Esprit de Dieu en vue de sa mission.

Les Ebionites[6] comme CERINTHE ont répandu cette erreur en se fondant sur l’argument que Jésus n’avait pas opéré de miracles avant son baptême. Cette ligne de pensée fut développée par d’autres adoptianistes Romains[7].

Dans la première moitié du 3ème siècle de l’ère chrétienne, Origène et Tertullien réfléchiront en profondeur sur le mystère du Verbe incarné.

Pour Origène, Le verbe divin a une génération éternelle. Il n’y eut pas un temps où il n’existait pas. Le verbe est la splendeur de la lumière éternelle et la sagesse du Père engendré de la substance divine elle-même. En vertu de l’incarnation du Verbe divin, Jésus-Christ est l’homme-Dieu avec l’attribution réciproque des qualités humaines et divines.

Pour Tertullien, le Verbe divin est de la même substance que le Père, immanent en Dieu de toute éternité et proféré au moment de la création du monde.

Par son incarnation, le Verbe divin a deux natures distinctes, une divine et une humaine.

Ces deux théologiens tout en s’inscrivant dans le courant qui subordonne le verbe divin au Père, confirment la pratique de l’Église qui consistait à vénérer Jésus-Christ comme le Seigneur de l’univers à côté de Dieu avec qui il a une relation ontologique de même nature. Qui plus est, l’Église administrait le sacrement de baptême au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Le culte eucharistique donnait une place centrale à Jésus-Christ Seigneur ressuscité et médiateur de la nouvelle alliance.

A partir de 315, un prêtre d’Alexandrie, Arius va affirmer que le Verbe divin n’est pas éternel comme le Père[8]. Le Verbe divin n’est Dieu que par participation.

Saint Athanase réagira en montrant que si le Verbe divin n’est pas pleinement divin, il ne peut nous sauver.

Sur convocation impériale, le Concile de Nicée finira par affirmer la pleine divinité du Verbe en excluant toute subordination du Verbe au Père.

Ainsi le Verbe est né éternellement du Père, « Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père »

La foi de Nicée sera défendue par Saint Hilaire de Poitiers, Saint Ambroise, le pape Damase, Saint Athanase et les trois grands Cappadociens, Saint Basile, Saint Grégoire de NAZIANZE et Saint Grégoire de NYSSE.

A partir de la foi de Nicée sur l’identité divine du Verbe se posera le problème de l’âme humaine de Jésus au quatrième siècle de l’ère chrétienne[9].

Apollinaire de Laodicée[10] et Théodore de MOPSUESTE tenteront des solutions peu satisfaisantes.

Au cinquième siècle de l’ère chrétienne, les écoles d’Alexandrie et d’Antioche dans leurs perspectives respectives tenteront d’approfondir le mystère de l’Incarnation dans deux directions différentes.

L’école d’Alexandrie est plus théologique, plus platonicienne et plus allégorique dans ses méthodes qui contemplent l’unité du Verbe incarné sous le prisme descendant du Verbe qui assume la chair[11].

Cette école théologique conduira à la solution séduisante du monophysisme qui croit à la divinisation totale de l’homme Jésus en enseignant, qu’après l’incarnation, la nature divine a totalement absorbé la nature humaine de Jésus-Christ.

Eutychès[12] et Nestorius[13] sont de grands défenseurs de l’unique nature de Jésus-Christ.

L’école d’Antioche est plus historique et plus analytique partant du fils né de la femme au fils de Dieu[14].

Elle est plus attentive à l’humain en Jésus-Christ.

Les grands représentants de cette école sont THEODORET de Cyr, Théodore de MOPSUESTE et IBAS d’Edesse condamnés par le cinquième Concile œcuménique de Constantinople(553).

Le concile d’Ephèse (431) malgré la tragédie lamentable d’une divergence de vues entre Nestorius, Cyrille et Jean d’Antioche approfondira le mystère de Jésus- Christ en affirmant l’unité personnelle de l’homme-Dieu.

Depuis Cyrille d’Alexandrie, la tradition ecclésiale a montré de manière convaincante que le Verbe de Dieu ne s’est pas uni extérieurement à Jésus-Christ. Le Verbe de Dieu a plutôt fait exister historiquement en Jésus-Christ un être de chair dans l’union intime de la nature divine et de la nature humaine.

Ainsi Jésus-Christ n’est pas habité par le verbe de Dieu comme le seraient les saints et les prophètes mais il est uni de manière unique et absolue au Verbe divin. Cette union hypostatique est la réalité humaine assumée par le Verbe de Dieu qui communique à toute l’humanité, l’amour de Dieu et le salut.

Il appartiendra au concile de Chalcédoine (451) de définir les deux natures en une unique personne de Jésus-Christ contre Eutychès et Nestorius.

Le Concile de Chalcédoine avait été un compromis entre la formulation de foi selon Cyrille d’Alexandrie plus exposée au monophysisme et l’expression commune de la foi du pape saint Léon I dans son tome à Flavien, patriarche de Constantinople. Ni le monothélisme[15]ni les tentatives politiques de se rallier les partisans du monophysisme n’auront raison de la foi commune des deux natures en une personne unique.

Jésus-Christ est selon la foi commune, l’unique engendré de Dieu devenu homme pour le salut de l’humanité. Il est adoré comme le Père et l’Esprit Saint (Concile de Constantinople I).La foi commune exclut que l’union de la nature divine avec la nature humaine soit faite par confusion, combinaison ou mélange (contre Eutychès). La foi commune exclut la conjonction des deux natures dans un état d’absorption (Contre Nestorius).

Les deux natures, divine et humaine se rencontrent en une personne unique. Cette union hypostatique du Verbe divin avec la nature humaine est une réalité mystérieuse et incompréhensible en elle-même.

Le Verbe incarné est le Tout-Autre insaisissable qui n’est pas à la portée de l’intelligence humaine. L’intelligence humaine peut saisir analogiquement cette réalité divine qui dépasse toute explication rationnelle en utilisant de manière approximative le langage de l’union de l’âme d’avec le corps. En effet, l’union hypostatique du Verbe divin avec la nature humaine est un cas unique, indicible qui surpasse l’intelligence humaine. « Ce qui est en Dieu, personne ne le connaît, sinon l’Esprit de Dieu » (1Corinthiens 2,11). C’est le cas éminent de l’union hypostatique du Verbe divin avec la nature humaine.

En Jésus-Christ se rencontrent une nature divine et une nature humaine. Ces deux natures de Jésus-Christ ne se mélangent pas. Elles ne se tiennent pas à distance l’une de l’autre comme une chose et une autre chose. De nature divine et de nature humaine, Jésus-Christ est le Verbe divin incarné qui subsiste indivisiblement dans l’une et l’autre nature. Telle est la christologie classique née de la lecture de l’Écriture, des pratiques liturgiques, des investigations rationnelles et des actes de compromis des premiers Conciles Œcuméniques de l’Église sous un fond de conflits politiques et religieux.

 

  1. L’engendrement divin de Jésus-Christ dans l’Église et les difficultés sémantiques, exégétiques anthropologiques qui entourent le mystère de l’homme-Dieu.

Le Concile de Constantinople III(553) dans l’un de ses canons, le canon 10, affirme : « Si quelqu’un ne confesse pas que celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et un de la Trinité, qu’il soit anathème »

Ce canon du Concile de Constantinople III résume la christologie classique de la foi commune de l’Église. Jésus-Christ, l’homme-Dieu est vrai Dieu et vrai homme.

Dans la christologie classique, la grandeur éminente de Jésus-Christ est soulignée dans des textes d’allure solennelle de l’Écriture :

« Et le Verbe s’est fait chair et il a campé parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Unique-engendré, plein de grâce et de vérité » (Jean 1, 14).

« Nul n’a jamais vu Dieu, le Fils Unique-Engendré qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître (Jean 1,18).

« Qui me voit, voit le Père » (Jean 14,9).

« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père sinon par moi » (Jean 14,6).

« Père, l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (Jean 17, 1-2).

«Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17, 3).

« Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même » (Première épître à Timothée 2,5).

« Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Actes des Apôtres 4,12).

« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre (Mathieu 28, 18).

« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par un Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les mondes » (Épître aux Hébreux 1, 1-2).

« Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, lui qui soutient l’univers par sa parole puissante, ayant accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs, devenu d’autant plus supérieur aux anges que le nom qu’il a reçu en héritage est incomparable au leur » (Épître aux Hébreux 1, 3-4).

« C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue proclame que le Seigneur c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père » (Épître aux PHILIPPIENS 2, 9-11).

« Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils, l’Unique-engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle » (Jean 3, 16).

Jésus-Christ dans les saintes Écritures est élevé au-dessus des créatures angéliques et humaines. Il surpasse les prophètes, les prêtres, les rois et les sages de l’Ancien Testament (Mathieu 12, 41 ; Luc 11,31Mathieu 17,3).

Tout baptisé instruit par le Nouveau Testament confesse que Jésus-Christ est Seigneur et Dieu fait homme. Cette parole de foi du baptisé inspiré par l’Esprit Saint est une doxologie, une parole de glorification et de louange qui peut se convertir en un enseignement sur l’identité de Jésus-Christ unique et totale révélation de Dieu et promoteur du salut de l’humanité dans son union à l’humanité, dans sa vie de témoignage au Père dans l’Esprit et dans son mystère pascal.

Jésus-Christ est Dieu se présentant en un homme pour dévoiler son mystère (Éphésiens 1, 9-10). En lui, le Dieu invisible et inaccessible des traditions religieuses de l’humanité se révèle gratuitement (DEI VERBUM VI, 21[16]).

Jésus-Christ est le porte-parole par excellence du Père. Il est envoyé à toute l’humanité pour parler et agir au nom de Dieu. Sa lettre de créance est sa divinité contenue dans les limites d’un homme du premier siècle de l’ère chrétienne.

Jésus-Christ est l’ultime dévoilement du Père dans l’Esprit Saint (Épître aux Hébreux1, 1-2).

Jésus –Christ dans la doxologie est aussi reconnu dans sa réalité divine comme le premier et le dernier, le commencement et la fin. L’unique engendré du Père qui a œuvré pour le salut de l’humanité est ainsi reconnu dans la doxologie comme l’égal de Dieu participant par son être d’unique engendré du Père au mystère absolu de Dieu.

L’engendrement de l’unique comme Verbe de Dieu est une confession de foi inspirée par l’Esprit Saint.

Le Verbe de Dieu est l’unique engendré du Père selon l’Écriture, les pratiques liturgiques et la réflexion théologique de l’Église.

Cette confession de foi pose des difficultés sémantiques, exégétiques et anthropologiques dans le contexte de la pluralité religieuse de notre XXIème siècle.

Jésus –Christ est Dieu parce qu’il est l’engendré unique du Père ou le Verbe de Dieu ou l’expression parfaite de celui qui est à l’origine de toute réalité. Une relation d’amour lie le Père éternel avec le Verbe qui est l’unique engendré du Père (Jean 1,18). L’unique engendré est l’unique aimé tirant son être d’unique engendré du Père qui est son origine. Il reçoit son être divin du Père. A l’égal du Père, l’unique engendré entretient une relation de communion, d’échange et de dialogue marquée par la mutualité, l’égalité, la réciprocité et le don total de soi. L’unique engendré, le Verbe de Dieu devient homme pour communiquer aux hommes la nouvelle naissance d’en-haut, le salut et la réconciliation avec le Père en tant que plénitude de la présence divine. De nature divine, le Verbe devient homme pour rendre participants de la nature divine ceux qui croient en lui (Épître aux Galates 6, 15, Jean 20,22 ; Deuxième Épître de Pierre1, 4).

Le Verbe de Dieu est la source d’une nouvelle naissance qui fait participer à la nature divine. L’unique engendré le Verbe devenu l’homme-Dieu est aussi le médiateur entre Dieu et la création. Il est comme le «  premier né de toute créature » et comme « le premier-né d’entre les morts » (Colossiens 1, 13-18.22). Le Verbe incarné est ainsi le vivant par excellence qui en fin de parcours terrestre est aussi le vivant ressuscité qui conduit ses frères en humanité à la plénitude de la vie divine (Jean 10, 10). Le Verbe incarné est celui qui communique la vie divine par la singularité de son office de médiateur ouvrant l’accès à Dieu (La lettre aux Hébreux 9). En mourant dans un acte d’offrande, le Verbe incarné, l’homme-Dieu se donne au Père et aux hommes par amour. Jésus-Christ est aussi le fils de l’homme glorifié par l’acte de trahison et de livraison d’un de ses disciples. Il est celui qui révèle jusqu’au bout l’amour de Dieu en pardonnant à ses bourreaux et en priant pour ses disciples afin qu’ils soient un (Jean 17).

Jésus-Christ est celui qui donne l’Esprit Saint pour transformer les cœurs humains en des lieux de présence trinitaire (Jérémie 31, 31-34 ; Jean 20,22).

Ce langage de foi est-il pertinent dans un monde marqué par la pluralité religieuse ?

Jésus-Christ dans la tradition chrétienne est l’unique incomparable qui est communiqué à tous en dépit des ambiguïtés historiques.

Il est l’unique qui met en relation en étant à la fois du côté du mystère absolu de Dieu et du côté de l’humanité comme Frère de tous.

Jésus-Christ dans le langage complexe et diversifié de la confession chrétienne est celui qui fonde la relation à Dieu.

En reconnaissant le caractère fragmentaire de la perception du mystère de Jésus-Christ dans les traditions ecclésiales, une occasion est donnée dans le cadre du pluralisme religieux à d’autres religions d’explorer dans leurs contextes ce qui en cet homme incomparable et étonnant interpelle ou provoque la réception de son message de révélation et de salut.

En effet, l’unique engendré du Père est aussi le premier engendré de la mort dont le mystère est accessible à tous[17].

Toute personne humaine en s’exposant à la prédication chrétienne peut par l’action de l’Esprit Saint rencontrer le premier engendré de la mort, vivant pour toujours dans le témoignage apostolique et ecclésial.

Cependant la christologie contemporaine ne peut se contenter du dogme christologique tel qu’il est énoncé dans l’Église pour l’usage AD INTRA des croyants.

A l’heure de la pluralité religieuse, un effort doit être fait pour expliciter le mystère de l’unique engendré du Père qui est aussi le premier engendré de la mort dans ses manifestations au cœur des autres religions de l’humanité.

L’explicitation AD EXTRA du mystère de l’unique engendré du Père peut se faire à l’aide des catégories anthropologiques comme l’identité, le dialogue, la rencontre des religions, les compréhensions culturelle du temps, les enjeux éthiques, le sacrifice, et le rapport à la mort.

Des théologiens du pluralisme religieux s’efforcent aujourd’hui de comprendre le mystère de Jésus-Christ en se référant à la manifestation visible et publique du Verbe divin dans les autres religions de l’humanité.[18]

Pour eux, le mystère de Jésus-Christ déborde le cadre conceptuel du lieu d’incarnation du Verbe divin au premier siècle de l’ère chrétienne.

Selon les théologiens du pluralisme religieux, ce mystère est aussi accessible de manière implicite dans les expériences religieuses d’autres aires géographiques et culturelle qui n’ont pas connu le Verbe divin dans la particularité limitée et historique de sa manifestation originelle dans le Judaïsme du premier siècle de l’ère chrétienne.

Les saintes Écritures et la dogmatique chrétienne n’épuisent pas les richesses de la réalité de ce grand mystère de la foi au-delà des frontières visibles de l’Église.

En explorant la dimension cosmologique du mystère de Jésus-Christ sur l’arrière-plan des quêtes multiformes du salut dans l’histoire des religions, on découvre que toute personne humaine quelle que soit sa culture est un chercheur en quête du sens de la réalité ultime. Chaque chercheur emprunte un chemin religieux qui le conduit à explorer dans sa culture le mystère absolu de l’existence humaine. L’exploration du mystère absolu produit des chemins multiples et variés sur fond de connaissances fragmentaires, limitées et relatives au temps et à la culture. Mais, seul le christianisme affirme que Jésus-Christ est celui qui apporte le salut eschatologique de façon définitive et indépassable en étant l’unique médiateur entre Dieu et les hommes.

Karl Rahner[19] opère une distinction entre les voies du salut et la voie unique du salut en Jésus-Christ en distinguant les multiples figures du salut et la sagesse incarnée de Dieu invitant les membres de l’humanité à devenir fils et filles d’un même Père qui se révèle à ses enfants dispersés dans le monde afin de les réunir en son Fils engendré avant le temps et en qui ils ont la vie éternelle et les promesses d’une nouvelle création.

La confession de foi du christianisme affirme que le mystère absolu caché qui est objet de recherches de toutes religions est révélé en Jésus-Christ qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie (Jean 14,6 ; Épître aux Éphésiens 3, 9 ; Première Épître à Timothée 3, 6).

Quiconque emprunte le Chemin qu’est Jésus-Christ s’unit au Verbe divin incarné et devient semblable à lui qui est le lien qui unit une multitude de frères au mystère absolu de l’existence humaine. Une fraternité à l’échelle du cosmos ne peut être qu’un don du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Ce don se manifeste dans le mystère de Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui a reçu le nom qui est au- dessus de tout nom et qui invite tout membre de l’humanité à accueillir le don merveilleux de la filiation divine, parce qu’il est l’homme-Dieu qui révèle dans les limites d’un homme du premier siècle de l’ère chrétienne la grandeur d’un Dieu d’amour qui s’anéantit en lui pour unir les membres de l’humanité entre eux et les libérer de tout ce qui empêche les êtres humains d’aimer.

  1. La réalité présente de Jésus-Christ dans un XXIème siècle dominé par la situation de la pluralité religieuse et l’émergence d’une christologie narrative

Quelle est la réalité présente de Jésus-Christ dans le contexte de la pluralité religieuse et de l’émergence d’une christologie narrative?

La christologie classique présente Jésus-Christ, l’homme-Dieu comme l’unique sauveur du monde. L’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ s’est opérée une fois pour toutes au premier siècle de l’ère chrétienne en un seul individu incomparable et éminent qui surpasse tous les médiateurs du salut, rois, prêtres, prophètes et sages.[20]

Le Dieu révélé par Jésus-Christ est un Dieu Père, origine de tout ce qui existe (Jean 14,28).

Le Fils éternel devenu homme en Jésus-Christ est l’expression parfaite de son être et le frère de tous les membres de l’humanité passée, présente et à venir (Luc 10, 22).

L’homme-Dieu crucifié et exalté est la révélation du mystère de Dieu. Il est l’unique chemin du salut en vertu de sa résurrection qui ouvre la voie à la parole ultime de Dieu à l’humanité entière.

Dans la chair crucifiée et exaltée du Verbe incarné, Dieu se révèle entièrement et rend participants de sa divinité tous les êtres humains qui parviennent dans l’Esprit Saint à la confession chrétienne[21].

La confession chrétienne de l’unicité de Jésus-Christ ne s’oppose pas à l’universalité du dessein de salut de Dieu. Dieu a parlé de façon définitive à travers le Verbe incarné crucifié et exalté.

L’Esprit Saint poursuit l’œuvre d’approfondissement et d’explicitation de la révélation plénière en Jésus-Christ en faisant reconnaître les semences du Verbe enfouies dans les cœurs épris de vérité, de justice et d’amour. L’Esprit Saint conduit de manière mystérieuse et discrète les hommes ayant une conscience droite à la confession chrétienne.

En reconnaissant les semences du Verbe dans toutes manières de vivre qui incarnent l’amour, la justice et le respect de la dignité humaine, les disciples de Jésus-Christ entrent en dialogue et partagent le don de Dieu révélé en celui qui est le frère de tous avec les destinataires de cette Parole révélatrice, ultime et définitive du Père.

Cette Parole révélatrice, ultime et irrévocablement définitive est celle qui invite gracieusement à devenir des enfants du Dieu unique et trine dans la singularité et la particularité des situations culturelles, religieuses et existentielles.

Le Verbe incarné, l’homme-Dieu, Jésus-Christ, participant à l’unicité du Dieu révélé, Père, Fils et Esprit Saint est l’incomparable, le singulier, l’excellent, l’éminent qui communique à l’humanité l’amour de Dieu qui est le propre des personnes divines de la Sainte Trinité.

Les personnes divines dans leurs relations intra-trinitaires se donnent l’une à l’autre sans repli sur soi dans une réciprocité qui engendre la gratuité démesurée de l’amour qui est don, communion et échange infini. C’est cet amour divin que Jésus-Christ incarne dans une vie humaine complètement consacrée au Père et donnée aux hommes en ministères de guérison, de libération et de transformation de l’humanité.

Le Verbe incarné a manifesté de façon excellente une capacité extraordinaire de compassion active en se rendant proche de l’humanité souffrante et blessée au point de s’exposer à la violence qui le défigure, le crucifie et le transfigure dans la manifestation de son amour pour ses frères en humanité dans la mort et dans la résurrection.

Le Verbe incarné par son existence pour ses frères en humanité est le grain de blé tombé en terre qui meurt pour qu’il y ait beaucoup d’épis (Jean 12,24).

En donnant sa vie pour une multitude de frères, le Verbe incarné révèle l’amour de Dieu pour l’humanité souffrante et blessée en offrant une fois pour toutes par sa mort et sa résurrection l’espérance d’un monde réconcilié, fraternel, juste où sont possibles l’harmonie sociale et la révérence de la création du Dieu Père, Fils et Esprit Saint.

Cette christologie d’en haut qui est la christologie commune de l’Église est fondée sur la confession de foi à partir de la prédication primitive des communautés chrétiennes dont les traces se trouvent dans le Nouveau Testament et dans la dogmatique ecclésiastique.

L’introduction au christianisme de Joseph Ratzinger en 1968, le Catéchisme de l’Église Catholique en 1994 et DOMINUS JESUS du 5 septembre 2000 reprennent à nouveaux frais les thématiques de la christologie d’en haut.

En affirmant que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, la christologie d’en-haut, celle du Verbe divin devenu pleinement homme du prologue de l’évangéliste Jean, met l’accent sur la divinité et le caractère unique de l’envoyé du Père qui au terme de son passage de la mort à la vie rend possible la réception de l’Esprit pour continuer l’approfondissement de l’auto-communication de Dieu en sa personne.

Mais un grand mystère comme celui du mystère de Jésus-Christ ne peut être exploré et formulé exclusivement par la christologie d’en haut du prologue de l’évangéliste Jean ou les épîtres de la captivité de saint Paul.

La christologie peut et doit s’élaborer à travers les autres voix du Nouveau Testament et les diverses quêtes du Jésus historique.

Les autres voix du Nouveau Testament présentent Jésus-Christ comme une figure historique en solidarité avec l’humanité. [22]

La christologie d’en- bas est plus sensible à cet aspect humain du mystère de Jésus-Christ.

Jésus-Christ est alors perçu comme un homme du premier siècle de l’ère chrétienne, semblable à ses contemporains en toutes choses, excepté le péché (Épître aux Hébreux 4, 15).

Jésus-Christ fut éduqué comme un Juif pieux et il participa de façon active au mouvement de réinterprétation et d’actualisation du Judaïsme du Second Temple.

Prédicateur itinérant du Royaume de Dieu, il fit une profonde impression sur ses contemporains par ses pouvoirs sur les esprits mauvais, la maladie et la nature.

Par son enseignement, Jésus-Christ était la parabole du Royaume de Dieu.

L’enseignement de Jésus-Christ éloigné du ritualisme, du légalisme et de l’interprétation de l’Écriture du Judaïsme contemporain des Pharisiens, des Scribes et des Sadducéens suscita l’envie et la jalousie de ceux-ci.

Personnage controversé dont l’autorité ne s’aligne sur aucune institution du Judaïsme conventionnel, Jésus fut dénoncé aux autorités Romaines comme une menace à l’ordre public. Il fut jugé, condamné, torturé et crucifié. Mais cet homme condamné à une mort infâme devint dans la prédication des communautés chrétiennes, l’oint de Dieu, celui dont la résurrection d’entre les morts, valide et confirme son rôle unique dans l’histoire du monde comme le Sauveur et l’unique engendré du Dieu du monothéisme chrétien.

Dans la christologie d’en bas, Jésus-Christ est évalué par ses disciples comme un homme compatissant, entièrement dévoué au bien-être de ceux qui souffrent. Il est le beau et bon pasteur qui est au service des pauvres et des marginalisés. Il est le sage dont la parole et les paraboles du Royaume de Dieu suscitent l’espérance d’un monde meilleur, fraternel et juste.

La christologie d’en bas met en évidence, Jésus-Christ qui, dans le message de foi du Nouveau Testament n’est qu’amour de Dieu et du prochain. Jésus-Christ est l’Emmanuel, Dieu avec les hommes et pour les hommes. Il est l’homme pour Dieu et l’homme pour les autres.

L’Esprit de Dieu repose sur Jésus-Christ qui ne fait qu’un avec le Père dont il est le Fils. L’Esprit Saint présent et agissant depuis la création et assistant rois, prêtres, prophètes et sages dans leur mission est en plénitude sur l’homme Jésus comme la présence de Dieu unie de manière absolue à son humanité. Cette présence de l’Esprit Saint en Jésus-Christ dans la christologie d’en bas fait de lui le modèle de l’homme orienté vers le bien commun et le souci du prochain. En effet, l’Esprit Saint uni de manière absolue à l’humanité de Jésus-Christ, l’inspire, le guide, l’encourage, le console et l’ouvre à l’avenir du Royaume qu’il proclame dans ses paroles et actes.

La foi en cet homme sur qui repose en plénitude l’Esprit Saint donne accès au Dieu incarné dont la sollicitude fait advenir le meilleur dans un monde marqué par la souffrance dont les hommes s’infligent les uns aux autres. C’est à ce titre qu’il est Fils de Dieu qui rend Dieu proche et trace l’avenir absolu de l’humanité au cœur de la création rachetée.

Dans le XXIème siècle marqué par les thèses pluralistes en théologie et le dialogue interreligieux, la christologie d’en bas peut concilier l’affirmation de la pleine humanité de Jésus-Christ avec ce qui est vrai et saint dans les autres religions[23].

En effet, le défi du pluralisme religieux oblige à repenser le mystère de Jésus-Christ en tenant compte des autres figures religieuses de l’humanité qui ont marqué des aires géographiques et culturelles par leur attention à l’œuvre de l’Esprit Saint en eux. Ces figures religieuses dont la mémoire est encore vivante dans les rites, les pratiques sociales et les comportements éthiques de leurs adeptes peuvent entrer en dialogue avec le Jésus de la christologie d’en bas pleinement humain et docile à l’Esprit Saint.

En tenant compte des autres figures religieuses de l’humanité, l’Église pourrait reformuler le mystère de Jésus-Christ de manière à intégrer dans sa doctrine les enjeux de la pluralité des traditions religieuses.

L’émergence d’une christologie narrative met en valeur le lien de Jésus avec l’Église. Jésus n’est connu que par le témoignage de foi de l’Église.

Dans la christologie narrative, l’Église raconte la vie de Jésus pour annoncer la nouvelle création et l’espérance suscitée par son mystère pascal.

La christologie narrative du Nouveau Testament raconte Jésus comme un homme étonnant et incomparable en qui le don du salut est offert à l’humanité.

La christologie narrative est le récit sur Jésus en tant que cet homme étonnant et incomparable opère une transformation en ses disciples défaillants qui font l’expérience d’être pardonnés par le crucifié ressuscité et vivant de l’évangile[24].

Les témoins de l’évangile sont ceux qui ont reçu le don du salut à travers leur transformation intérieure en vivant les événements liés à la vie publique de Jésus.

Adhérant au Jésus terrestre, les disciples pardonnés du Nouveau Testament sont des témoins qui ont fait l’expérience du salut. A travers leurs relations à Jésus, ils ont assisté à l’engendrement de la nouvelle humanité de Jésus, ressuscité d’entre les morts, donnant l’Esprit pour la rémission des péchés (Jean 20,23).

Ainsi l’Église témoigne de la nouvelle humanité d’un homme cru et prêché malgré les doutes comme l’unique homme sauvé de la mort par l’Esprit vivifiant du Père.

Le Père rend témoignage à son unique engendré par les voix humaines des disciples pardonnés qui proclament la nouveauté radicale de l’humanité souffrante et glorieuse de Jésus.

L’humanité souffrante et glorieuse de Jésus-Christ est désormais présente dans l’Eucharistie où les membres régénérés de l’humanité participent à la vie Trinitaire en devenant le Corps de celui qui s’offre pour le salut de tous.

Pour la christologie narrative, Jésus-Christ est l’unique engendré du Père qui devient un homme pour le salut de l’humanité. Sa passion pour l’humanité le conduit à la mort infâme de la croix. Sauvé de la mort par l’Esprit vivifiant du Père, l’humanité souffrante et glorieuse de Jésus-Christ est présente dans l’Eucharistie pour les membres régénérés de l’humanité qui poursuivent son œuvre grâce au don de l’Esprit du Père et du Fils.

Conclusion :

La christologie présuppose la foi en Jésus-Christ. Elle est liée à une expérience de relation avec Jésus. La christologie s’élabore à travers l’étude et la méditation de l’Écriture qui relate l’expérience de ceux qui ont cru en Jésus-Christ. La visée des Écritures est de susciter la foi en Jésus-Christ.

Jésus-Christ est le Verbe incarné, l’unique engendré qui fonde la relation de l’humanité à Dieu. Il est le sauveur de l’humanité et la révélation plénière de Dieu.

En s’unissant à la chair de l’humanité, le Verbe de Dieu donne l’Esprit du Père et du Fils qui est le lien de communion qui donne une connaissance immédiate de Dieu aux cœurs qui confessent Jésus-Christ, comme l’envoyé du Père qui réunit les membres de l’humanité en frères et en enfants de Dieu.

L’incarnation du Verbe divin a une portée universelle. Tout homme peut participer par grâce à la gloire de l’homme-Dieu révélée dans le mystère de sa vie cachée couronnée par le mystère de sa vie publique rayonnant en mystère pascal avec l’espérance de son retour glorieux pour établir le règne de Dieu.

Le grand mystère de Dieu dévoilé par Jésus-Christ est articulé en christologies d’en haut et en christologie d’en bas.

La christologie d’en haut s’appuie sur l’Écriture et sur l’enseignement dogmatique de l’Église en insistant sur l’unicité de Jésus-Christ et le caractère définitif de sa révélation de Dieu.

Jésus-Christ y est évalué comme le médiateur unique et universel du salut de toute l’humanité.

La christologie d’en bas prend en compte les quêtes du Jésus historique et reconstruit le caractère humain de sa personne et sa solidarité avec l’humanité souffrante et blessée en insistant sur le rôle de l’Esprit Saint dans sa vie cachée, publique et pascale.

Par la christologie d’en bas, Jésus est le modèle par excellence de l’existence humaine par sa compassion et sa passion pour le Royaume de Dieu. En lui Dieu se révèle comme celui qui sauve l’humanité de l’idolâtrie, de l’injustice, de l’enfermement sur soi et de la violence.

C’est en combinant les deux méthodes de christologie[25] que la réalité présente du mystère de Jésus-Christ peut éviter les tendances au monophysisme, à l’adoptianisme, au docétisme et à l’ébionisme.

La troisième quête du Jésus historique peut élaborer une christologie narrative qui va au-delà de la christologie d’en haut et de la christologie d’en bas en privilégiant le témoignage des disciples défaillants de la vie terrestre de leur maître humilié qui de manière inattendue font l’expérience du pardon par celui qui est vivifié par l’Esprit Saint et qui explique dans l’Écriture ce qui le concerne et reste présent dans la fraction du pain pour la formation de son Corps dans l’histoire humaine.

La réalité présente du mystère de Jésus-Christ dans le contexte de la pluralité religieuse et de l’émergence d’une christologie narrative est celle de l’unique engendré de Dieu qui met en relation une multitude de frères avec le mystère absolu de l’existence humaine.

[1] Jean-Marie Hyacinthe QUENUM est Docteur en théologie et Maître des novices Jésuites à Bafoussam au Cameroun.

[2] La troisième quête du Jésus historique commence avec ERNST KÃSEMANN « Le problème du Jésus historique » dans Essais exégétiques, Neuchâtel, 1972, p.145-173.

[3] Christian DUQUOC, Christianisme. Mémoire pour l’avenir, Paris, Cerf 2000.

[4] L’épitre de Barnabé (entre 70 et 138) atteste cette pratique.

[5] Le docétisme est lié au mouvement gnostique dont le système d’explication de la réalité donne peu de place à la matière corporelle.

[6] Les Ebionites sont des partisans d’un monothéisme strict au sein du Judaïsme. Les Ebionites ne donnent à Jésus que la place d’un homme dans l’histoire du salut.

[7]Pour eux Jésus n’est qu’un homme, certes saint, qui reçut l’Esprit de Dieu au baptême devenant ainsi un fils adoptif de Dieu. Jésus n’est donc pas pour les adoptianistes une personne divine.

[8] Arius affirmait que Dieu ne fut pas toujours Père ; il eut un temps où le Verbe divin n’existait pas. Le verbe divin procède du Père comme une créature parfaite.

[9] L’intégrité de la nature humaine de Jésus est visée. Jésus a un corps et une âme raisonnable. Jésus est pareil à tous les humains au niveau de l’intégrité de sa nature humaine.

[10] Apollinaire de Laodicée remplaçait l’âme humaine de Jésus par le Verbe. Selon lui, Jésus aurait un corps, une âme animale et le Verbe remplaçant son âme humaine. Apollinaire fut condamné par le Concile général de Constantinople en 381.

[11] Les principaux représentants de l’école d’Alexandrie sont : Clément, Origène, Athanase et Cyrille.

[12] Eutychès est un moine influent de Constantinople radicalement opposé à l’école d’Antioche.

[13] Nestorius, évêque de Constantinople au Vème siècle, prônait la dualité des sujets dans le Christ, l’homme Christ et le Verbe divin.

[14] Les principaux représentants de l’école d’Antioche sont : Lucien, DIODORE de Tarse et Théodore de MOPSUESTE.

[15] Le monothélisme enseigne qu’en Jésus-Christ ne s’exerce que la seule volonté du Verbe

[16] « Dans les Saints livres, le Père qui aux cieux vient avec tendresse au-devant der ses fils et entre en conversation avec eux »

[17] GAUDIUM ET SPES N° 22,5

[18] RAIMUNDO PANIKKAR, Une CHRISTOPHANIE pour notre temps, Arles, Actes Sud, 2001, p. 11-47.

[19] Karl Rahner, Traité fondamental de la foi. Introduction au concept du christianisme, Paris, Centurion, 1983, p. 358-359.

[20] STANLEY SARMATHA, Un Christ, plusieurs religions, New York, ORBIS Book, 1991.

[21] DEI VERBUM N° 2.

[22] GAUDIUM ET SPES, n°22

[23] NOSTRA AETATE du Concile Vatican II affirme que l’Église ne rejette ce qui est vrai et saint dans les autres religions.

[24] Étienne TROCMÉ, Jésus de Nazareth vu par les témoins de sa vie, Neuchâtel, 1972.

[25] Karl RAHNER, Les fondements du pluralisme religieux, 1974.

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