Le samedi 06 avril 2024, les dix candidats à la présidentielle du 06 mai prochain ont signé un code de bonne conduite. Par cet acte qui a plus une valeur morale que juridique, les candidats s’engagent à respecter les règles du jeu démocratique durant tout le processus électoral.

Une nouvelle constitution votée et promulguée, une nouvelle composition du Conseil Constitutionnel mise en place, un organe pour organiser l’élection présidentielle créé, un code de bonne conduite signé par les dix candidats, et enfin, une campagne électorale lancée dans une ambiance de kermesse. Il y a autant d’institutions et d’organes qui peuvent permettre le retour à l’ordre constitutionnel au Tchad après la période transitoire qui a duré 3 ans.

Faut-il croire naïvement à l’intégrité morale des acteurs politiques

Sur le plan de la forme l’élection présidentielle serait sur la bonne voie. La campagne a, officiellement, été lancée le dimanche 14 avril 2024. Sur le fond que valent toutes ces institutions et organes si ceux qui les animent ne sont pas des hommes et femmes intègres ou ne sont pas libres pour exercer leur fonction ? Certes le rituel est connu puisqu’il est répété à l’approche de chaque élection. Justement, si la signature du code de bonne conduite revient à chaque élection, notamment présidentielle, c’est parce que chaque fois il y a anguille sous roche. Certes, ce qui s’est passé samedi 13 avril dans les locaux de l’Agence nationale de gestion des élections, ANGE est beau, mais faut-il croire naïvement la bonne foi et l’intégrité morale des acteurs politiques signataires de ce code de bonne conduite dont certains étaient déjà en campagne électorale avant même la date du 14 avril prévue pour le début de ladite campagne ? En effet, les affiches de certains candidats étaient déjà visibles dans les grandes avenues de N’Djaména, la capitale. Ce qui avait poussé l’ANGE, à travers un communiqué, à rappeler à l’ordre. L’ordre de retirer ces affiches portrait de certains candidats avait-t-il été respecté ? La réponse est non ! Dans un pays où les institutions jouissent d’une totale indépendance, l’ANGE aurait envoyé les forces de l’ordre arracher ces affiches de propagande avant l’heure. Ceci pour permettre aux dix candidats de démarrer la campagne électorale le même jour, conformément au chronogramme publié pour le déroulement de la présidentielle.

L’opposition n’a toujours pas digéré l’invalidation du dossier de son candidat

Ils sont, en tout cas, nombreux les Tchadiens à espérer qu’un miracle à la sénégalaise se produise dans leur pays. Qu’au soir du 06 mai, les Tchadiens connaissent le vainqueur d’une élection présidentielle saluée par tous, parce que les résultats issus des urnes auront parlé en toute vérité. Cela est-il possible ? Certainement oui ! Mais si et seulement si, les institutions comme l’ANGE fonctionnent en toutes transparence et surtout en toute indépendance. Or la manière avec laquelle s’est déroulé l’examen par le Conseil Constitutionnel des dossiers de candidatures a surpris plus d’un Tchadien. Le Groupe de Concertation des Acteurs Politiques, GCAP qui réunit plusieurs partis politiques de l’opposition n’a toujours pas digéré l’invalidation du dossier de son candidat, Dr Nassour Koursami.

Les résultats qui seront proclamés au lendemain du 06 mai seront matière à contester si…

Dans la plupart des pays africains, notamment francophones, les institutions de la République existent. Et très souvent les textes qui les fondent et les encadrent sont limpides comme l’eau du rocher. Les problèmes qui surviennent dans les processus électoraux trouvent leurs origines dans l’esprit qui nimbe ceux qui animent les institutions. Si, en effet, ceux et celles qui animent les institutions de la République sont fourbes, alors quelle que soit la clarté des textes, les crises politiques sont inévitables. Pour ce qui est du Tchad qui nous intéresse ici, le code de conduite signé par les 10 candidats ne servira à rien. Les résultats qui seront proclamés au lendemain du 06 mai seront matière à contester si ceux et celles qui animent les organes en charge de l’élection ne sont ni intègres, ni transparents. La question que se posent les Tchadiens est plutôt : quelle sera l’ampleur des contestations ?

Aucun code de conduite ne peut prémunir le Tchad de la violence post-électorale

Actualité oblige. Au Tchad, la tentation est de se comparer au Sénégal qui vient d’ouvrir une nouvelle page en élisant un nouveau président. Les Tchadiens pensent qu’ils peuvent réaliser la même prouesse. ll est clair que les Sénégalais ne sont, certainement, pas meilleurs que les Tchadiens. Si la mission ne semble pas impossible, les plus lucides des Tchadiens estiment que si les Sénégalais ont réussi à tourner la page Macky Sall, c’est parce qu’ils sont simplement respectueux des institutions démocratiques qui régissent leur vie politique. D’ailleurs les 19 candidats à la présidentielle du 24 mars dernier n’ont pas eu besoin de signer un code de conduite. Ils ont simplement eu l’amour de leur pays en bandoulière. Ils se sont battus pour que les institutions de la République soient protégées afin qu’elles demeurent fortes en toutes circonstances.

Pour notre part, nous estimons qu’aucun code de conduite ne peut prémunir le Tchad de la violence post-électorale si les Tchadiens en responsabilité ne sont pas respectueux des institutions de la République, lesquelles doivent êtres animées par des hommes et femmes libres de toutes pressions d’où qu’elles viennent.

Pierre Boubane,
à N’Djaména (Tchad)

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