« L’Église aime tous ses enfants comme une mère aimante, mais prend soin de tous et protège avec une affection particulière les plus petits et sans défense. » Tels sont les mots du Pape François dans sa Lettre apostolique en forme de « motu proprio » intitulé « Comme une mère aimante » concernant les cas d’abus sexuels sur mineur ou sur personne adulte vulnérable.

C’est également dans ce sens que la Compagnie de Jésus a décidé de s’investir dans ce sens à travers plusieurs initiatives. L’une d’entre elles a été la dernière rencontre tenu le mois dernier (26 au 29 mars 2017) à Dobogokö près de Budapest (Hongrie) sur les cas d’abus sexuels sur mineur dans l’Eglise.

Le Dr Joachim Zoundi, SJ enseignant à Hekima College et père spirituel de la Communauté Jésuite d’Hekima au Kenya, qui a participé à cette conférence pour le compte du JESAM (Conférence des Supérieurs Majeurs d’Afrique et de Madagascar) revient au micro d’Honoré Onana Olah sur quelques points saillants qui ont marqué cette rencontre sur la lutte contre les cas d’abus sexuels sur mineur dans l’Eglise:

Le problème était de considérer l’ampleur de la question dans l’Eglise et particulièrement comment la Compagnie de Jésus gère cette situation. Il faudrait préciser que le Pape François est très attentif à cette question et a demandé à la Compagnie et à toute l’Eglise de faire en sorte que les abus sexuels soient un problème résolu de sorte que l’enfant se trouve en paix et en sécurité dans les institutions de toute l’Eglise. Pour nous africains, nous pensons que cette question n’est pas une préoccupation africaine. Or quand nous regardons les enquêtes faites par la Congrégation pour la Doctrine de la foi, tous les pays dans le monde sont touchés ou concernés.

Est-ce que l’on peut dire que cette question touche aussi la Compagnie de Jésus ?

C’est malheureusement un grand problème surtout dans les pays européens et aux États-Unis. Nous avons eu des cas où deux pères allemands sont venus exposer la situation et cela est d’une ampleur inimaginable. En Afrique aussi il y a des cas et nous savons que la Curie des jésuites ainsi qu’au niveau de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, il y a des commissions qui s’en occupent. Nous avons – en passant – eu une vidéoconférence depuis Rome, avec le père Robert Geisinger, SJ qui s’occupent de ces questions-là ; ainsi que le procureur de la Compagnie, le père Benoit Malvaux, SJ qui nous ont expliqué comment procéder pour de telles situations. Mais en fait, la Compagnie vise faire de la prise en charge et de l’élimination des abus sexuels un apostolat dans la Compagnie. Donc au niveau de toute la formation on doit sensibiliser les gens et montrer comment il faut se préserver de toutes ces choses-là pour éviter qu’il y ait réellement des problèmes ou que l’on soit accusé faussement par les médias. Par conséquent c’est une invitation à toutes les provinces jésuites et à toute l’Eglise de faire de leurs institutions un lieu de paix et de sauvegarde de l’enfance.

Pouvez-vous nous rappeler le thème de cette conférence ?

« La sauvegarde de l’enfance dans nos institutions comme un apostolat de la Compagnie ».

Comme ancien maitre des novices dans la Province jésuite de l’Afrique Occidentale (PAO) pouvez-vous nous dire ce qui est fait depuis la candidature et après l’admission pour aider les jeunes à surmonter cette tentation ?

Le Père Joachim Zoundi SJ en Hongrie

Le Père Joachim Zoundi SJ en Hongrie

J’ai un ami M. Noah Olivier spécialiste et psychanalyste de ces questions d’abus sexuels qui m’a dit que le problème est plus grave que ce que l’on pense. Grave parce que dans les familles, il y a tout un travail qui devait être fait et qui n’est pas fait ; ainsi que dans les institutions d’école aussi où il y a un travail de relais qui devrait être fait. Je pense qu’en regardant ces éléments qu’il suggère on peut beaucoup apporter à la formation intégrale des personnes commençant par la candidature, le noviciat, les autres étapes dans la Compagnie et même au niveau de la formation continue. De nos jours la Compagnie a des protocoles pour pouvoir savoir gérer des cas d’abus lorsqu’ils surviennent. Mais avant d’en arriver là, il faudrait amener les gens à savoir quels types de comportements adopter par rapport à ce genre de situations. Et non pas vivre dans la peur mais dans la transparence de sorte à permettre à l’enfant de se sentir en sécurité. Notre église est un lieu où tout le monde est le bienvenu et l’enfant qui est le plus vulnérable doit être celui-là qui a une place de choix, de respect et d’amour qui le fasse grandir. D’après mon ami M. Noah, il y a une question de manque de gestion de langage. Dans les villages par exemple, il y a des générations parmi lesquelles il y a des formes de langages qui ne passent pas d’une génération à une autre : un papa ne peut pas faire une blague avec un enfant de la même manière qu’il le fait avec ses congénères. Mais la structure actuelle de la société a détruit ses éléments de sorte que le langage sexuel de l’adulte quand il passe au niveau de l’enfant devient déjà un abus (rien que par le langage). L’éducation reviendrait ici à ne pas stigmatiser les populations contre ce problème, mais de leur apprendre à savoir qu’il y a des étapes dans l’éducation de l’être humain qu’il faudrait respecter. Je pense que cela est très crucial et qu’il faut donner cette vision à toute personne dans l’Eglise, dans la Compagnie ou ailleurs.

Un mot en guise de conclusion !

C’est dire que parfois dans la Compagnie nous voyons des tendances d’abus et nous nous taisons ; en se disant qu’on veut protéger l’Eglise. Mais selon moi, protéger l’Eglise ce n’est pas de se taire mais dénoncer ce qui ne doit pas être fait parce que le Christ lui-même « a laissé venir à lui les enfants » et la Compagnie ou l’Eglise doit laisser venir à elle les enfants pour qu’ils grandissent comme il convient et comme le Christ l’aurait voulu.

Honoré Onana Olah, SJ

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